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ouvrier, tisseur mécanique, nommé Valls, qui y subissait une peine de douze mois pour une affaire de grève ; cet ouvrier jouissait d’une certaine influence sur les camarades de sa profession. Deux ou trois jours avant l’arrivée du roi, un délégué de l’autorité alla trouver cet individu, et lui offrit de lui rendre la liberté à la condition qu’il réunirait quelques milliers d’ouvriers, qui iraient au-devant du roi pour lui présenter leurs hommages. Valls eut la faiblesse, ou plutôt l’indigne lâcheté, d’accepter la remise des dix mois de prison qui lui restaient à faire, en échange du service qu’on lui demandait. Il fut aussitôt mis en liberté, et, aidé de quelques amis personnels, il travailla activement à réaliser ce qu’il avait promis ; mais les efforts extraordinaires de ces hommes, appuyés par l’influence de l’autorité, aboutirent seulement à grouper cent quarante ouvriers, qui furent les seuls à représenter la ridicule comédie imaginée par le gouvernement. » (Bulletin du 14 février 1875.)

Cinq mois plus tard, Farga nous écrivait que les efforts des « modérés » pour consolider la dynastie n’avaient pas donné de résultats, et que la monarchie alphonsiste se trouvait dans une situation fort précaire : « l’édifice s’écroulera au premier souffle des vents révolutionnaires ». Mais aucun vent révolutionnaire ne devait plus souffler en Espagne pendant de longues années.


En Italie, Garibaldi avait été élu député, et les naïfs attendaient avec impatience sa première apparition à la Chambre. Il choisit, pour faire son entrée, le jour (25 janvier 1875) où devait avoir lieu le vote sur une interpellation du député républicain Cairoli relative aux arrestations faites le 2 août 1874 à la villa Ruffi. En développant son interpellation l’avant-veille, Cairoli avait eu soin de bien marquer la différence entre les mazziniens et les internationaux : « Je dois faire observer, avait-il dit, que l’école politique à laquelle appartiennent les hommes arrêtés à la villa Ruffi est celle de Mazzini, le plus grand apôtre de l’unité nationale, et que ces mêmes hommes avaient, en d’autres occasions, aidé le gouvernement à réprimer les tumultes des internationalistes » ; et la discussion avait été renvoyée au surlendemain.

Les journaux de Rome rendirent compte de l’arrivée de Garibaldi et de sa prestation de serment dans les lignes suivantes (réimprimées par le Bulletin du 7 février 1875), qui méritent d’être reproduites ici in-extenso; ce tableau pourra être rapproché de celui que j’ai retracé, au tome Ier, de l’arrivée de Garibaldi au Congrès de la paix de Genève et de l’accueil fait à son mémorable discours du 9 septembre 1867 :


L’agitation de la Chambre va croissant de moment en moment. On voit s’ouvrir une des portes qui conduisent aux bancs de la gauche, et, précédé des honorables Cairoli, Avezzana, Seismit-Doda et Salvatore Morelli, et accompagné de l’honorable Macchi, on voit entrer le général Garibaldi.

Son apparition redouble l’émotion ; toute la tribune éclate en applaudissements ; on entend un cri général et tonnant de « Vive Garibaldi ! »

Le général salue avec émotion, et va s’asseoir sur l’un des bancs de l’extrême gauche. Nouveaux cris de : « Vive Garibaldi ! »

Le président. Le général Garibaldi étant présent, je l’invite à prêter serment. Je vais donner lecture de la formule : Je jure d’être fidèle au roi, de respecter les lois de l’État, et d’exercer loyalement mes fonctions de député, dans le seul but du bien inséparable du roi et de la patrie.

Garibaldi se lève lentement ; il se découvre, et dit à haute voix : Je le jure.


Après cette cérémonie, la discussion de l’interpellation Cairoli fut reprise, et un député de la gauche, Mancini, plaidant la cause des mazziniens arrêtés, dit ces propres paroles : « Nous sommes les défenseurs de la monarchie, et ses vrais ennemis sont les ministres qui violent la liberté. Le vote d’aujourd’hui