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chaque Section dut adjoindre au Bureau un délégué nommé directement par elle.

Pour la propagande, une campagne de conférences fut organisée à l’entrée de l’hiver. J’avais, l’année précédente, écrit, à la demande de notre ami Ross, un petit travail sur Proudhon, que Zaytsef avait traduit en russe et qui, ainsi qu’on l’a vu, avait été imprimé à Londres ; mon manuscrit m’ayant été rendu ensuite par Ross, je fis à Neuchâtel, le 19 novembre, à Sonvillier et Saint-Imier les 19 et 20 décembre, une lecture publique d’un fragment de ce travail, en l’intitulant : « Le socialisme de Proudhon et le socialisme de l’Internationale ». À Berne, les réunions de la Section, qui avaient lieu chaque quinzaine, étaient suivies d’une conférence publique : le 30 décembre, Brousse inaugura la série par une conférence sur l’Internationale.

Nous publiâmes, pour la cinquième fois (et ce fut la dernière), l’Almanach du Peuple. Il est annoncé, comme venant de paraître, dans le Bulletin du 15 novembre 1874 ; les articles qu’il contenait sont : Les dangers du radicalisme, par Paul Brousse ; Résumé critique d’économie politique, par B. Malon ; La coopération de production comme moyen d’émancipation (critique de la conception utopique qui voit dans l’atelier coopératif le levier de l’affranchissement du travail), par Auguste Spichiger ; Quelques difficultés dans la pratique des associations ouvrières (scènes de la vie ouvrière jurassienne), par Adhémar Schwitzguébel[1].

J’avais, au printemps précédent, formé le projet d’écrire un petit ouvrage de vulgarisation, destiné à mettre à la portée des lecteurs ouvriers les connaissances historiques les plus indispensables. J’avais fait part de mon idée à mes amis, qui l’approuvèrent, et, dans le Bulletin du 2 août 1874, j’avais annoncé la préparation des Esquisses historiques, « études populaires sur les principales époques de l’histoire de l’humanité[2] » ; je me proposais « d’écrire cette histoire pour le peuple, dans un style simple, en la dépouillant de toutes les fables dont les superstitions théologiques et monarchiques l’avaient si longtemps recouverte » ; elle devait paraître en séries successives, formant chacune un petit volume séparé, qui coûterait un franc. La Première série parut en décembre 1874 : elle contenait deux études intitulées « Les origines de l’homme » et « Les premières civilisations ». Adhémar Schwitzguébel, après avoir lu le volume, publia dans le Bulletin (21 février 1875) un article où il disait : « Il y a quelques semaines déjà que la Première série des Esquisses historiques a paru. Qu’il soit permis à un ouvrier de dire à ses compagnons de travail les impressions qu’il a reçues de cette lecture » ; il analysait brièvement le contenu du petit livre, et ajoutait : « Les déductions que le lecteur peut tirer de ces pages ne laissent rien subsister des mensonges ecclésiastiques et officiels au moyen desquels on fausse encore aujourd’hui le raisonnement de la jeunesse. Les vérités que l’auteur fait passer sous les yeux du lecteur sont cependant connues, du moins dans leurs traits principaux, de tout ce qui est instruit dans le monde officiel, dirigeant et régnant. Pourquoi les cache-t-on soigneusement à la jeunesse et au peuple, et continue-t-on de nous donner, en fait de connaissances historiques, toutes les absurdités contenues dans les livres religieux et officiels ?… Cette mauvaise foi publique est révoltante, et il est grand temps que des hommes de science, indépendants de caractère, commencent à populariser des vérités qui doivent être connues de tous. C’est aux ouvriers qui travaillent à l’émancipation de leur classe, et qui, par conséquent, ont besoin d’étudier et de s’instruire, à bien accueillir cette initiative, à la favoriser en répandant dans les ateliers et dans les familles de pareils écrits. »

La Section de Neuchâtel, qui tenait maintenant ses séances le jeudi au lieu du samedi (« parce que diverses sociétés ouvrières ayant leurs assemblées le

  1. L’article de Schwitzguébel est reproduit dans le volume Quelques écrits d’Adhémar Schwitzguébel, Paris, Stock, 1908.
  2. C’est le 27 juillet que l’autorisation d’insérer cette annonce dans le Bulletin m’avait été accordée par le Comité fédéral (Procès-verbaux manuscrits du Comité fédéral jurassien).