Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


La voie par laquelle nous sommes arrivés à cette conclusion qu’une révolution est nécessaire, la voici. Nous avons étudié scrupuleusement, depuis des années, tous les moyens divers proposés pour réaliser l’émancipation du prolétariat. Et nous avons reconnu que cette émancipation ne peut être obtenue que d’une seule façon : par l’établissement de la propriété collective des instruments de travail… Or, la bourgeoisie ne sera pas plus disposée à permettre qu’on touche à ce qu’elle appelle sa propriété, que les nobles et les prêtres ne l’étaient en 1793 à céder sans résistance les biens que la Révolution leur a pris. Il y aura donc une lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat, et cette lutte ne sera pas nationale, elle sera internationale.

Voilà ce que nous apprennent les enseignements de l’histoire et ceux de la science sociale.

Ainsi, nous voulons transformer la propriété, parce que sans cette transformation il n’y a pas de solution possible à la question sociale. Mais la transformation de la propriété nécessitera une révolution ? Eh bien, soit, disons-nous ; qui veut la fin veut les moyens : que la révolution se fasse, puisqu’il faut en passer par là.

M. Bleuler, lui, ne parle pas de transformer la propriété. Il n’y a donc pas besoin de révolution, dans son plan. Mais aussi, la propriété n’étant pas transformée, le prolétariat reste l’esclave de la bourgeoisie, et par conséquent le prétendu socialisme de M. Bleuler est une duperie.

La chose est-elle claire maintenant ?

Ce n’est pas nous, groupes de propagande et d’étude, qui décrétons follement et arbitrairement qu’il y aura une révolution. C’est la fatalité de la situation économique qui impose à la société moderne la nécessité de passer par cette crise. Quiconque souhaite sincèrement de voir la misère cesser, de voir le travail libre, de voir les hommes égaux et heureux, souhaite implicitement une lutte, une bataille, et, croyant faire un vœu pacifique, fait en réalité un vœu révolutionnaire.

La vigie prédit la tempête, parce qu’elle la voit venir, et qu’elle la sait inévitable. D’autres aiment mieux cacher leur tête dans un buisson, comme l’autruche. Pensent-ils que leur aveuglement volontaire empêchera la tempête d’éclater à l’heure marquée par les destins ?


L’Arbeiterbund, lui aussi, s’occupa de la question de la réduction de la journée de travail, et du projet d’une loi sur les fabriques que l’Assemblée fédérale suisse était appelée à élaborer. Son Comité adressa à la « Haute » Assemblée fédérale une pétition à propos de laquelle le Bulletin écrivit (20 décembre) :


Hélas ! qu’y trouvons-nous ? L’humble demande faite à nos maîtres, aux représentants de la bourgeoisie suisse, de vouloir bien améliorer un peu la situation des ouvriers… Si nous nous souvenons bien, la Tagwacht s’était jointe aux autres journaux socialistes allemands, il y a quelques mois, pour dénoncer comme un traître l’Autrichien Oberwinder, parce que celui-ci, au nom d’un groupe d’ouvriers de Vienne, avait remis à la Chambre des députés d’Autriche un Mémoire réclamant des réformes législatives favorables aux ouvriers. Quelle différence y a-t-il entre l’acte d’Oberwinder et celui du Schweizerischer Arbeiterbund ? Prétendra-t-on qu’une démarche qu’on blâme quand elle est faite auprès d’un gouvernement