Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politique par les classes ouvrières, voulaient transformer l’Association en un vaste parti politique, organisé hiérarchiquement, et sous leur propre direction... Nous ne ferons pas l’histoire des luttes amenées par leurs agissements, luttes qui n’ont eu malheureusement que trop de retentissement ; nous rappellerons seulement que lorsqu’ils voulurent établir définitivement leur dictature, ils échouèrent devant la révolte de toutes les fédérations de l’Internationale... La bourgeoisie, qui n’a voulu voir, dans ce grand débat entre deux principes opposés, qu’une mesquine querelle de personnes, et qui a si pompeusement annoncé dans ses organes la mort de l’Internationale, n’a fait que donner une nouvelle preuve de son inintelligence. Elle n’a pas compris que cette longue lutte, à la suite de laquelle l’Internationale s’est reconstituée sur des bases nouvelles, témoignait au contraire de l’indestructible vitalité de notre Association, et que, maintenant qu’elle est sortie victorieuse de la crise, l’Association internationale des travailleurs marche d’un pas plus assuré vers la réalisation de son but: l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes.

Compagnons ouvriers de tous les pays et de toutes les professions, nous vous avons expliqué notre raison d’être et notre but. À vous de juger si l’Internationale représente réellement les aspirations du prolétariat, et de prendre parti, dans la guerre à mort qui est aujourd’hui engagée sur tous les points du monde entre le capital et le travail, soit pour nous contre nos exploiteurs communs, soit pour les exploiteurs contre nous et contre vous-mêmes...


La même semaine que les délégués de l’Internationale à Bruxelles, les membres de la Ligue de la paix et de la liberté s’étaient réunis à Genève. Le Bulletin écrivit à ce sujet :


Pendant que les délégués de l’Internationale se réunissaient lundi dernier à Bruxelles, la Ligue bourgeoise de la paix tenait de son côté un congrès à Genève. Mais quel congrès ! C’était plutôt un enterrement. Victor Hugo avait écrit aux membres de la Ligue que la paix ne sera possible qu’après une nouvelle guerre entre l’Allemagne et la France, et ceux-ci ont avoué que Victor Hugo avait raison et qu’il fallait renvoyer à des temps meilleurs la réalisation de leur utopie pacifique.


Après avoir rappelé comment, en 1868, le Congrès de l’Internationale, à Bruxelles, avait déclaré que « la Ligue de la paix n’avait pas de raison d’être en présence de l’œuvre de l’Internationale », le Bulletin ajoutait :


Les journaux bourgeois se récrièrent alors à qui mieux mieux sur l’outrecuidance de l’Internationale, qui osait affirmer de la sorte que seule elle était capable de réaliser la paix dans l’égalité et la liberté, et qui refusait de prendre au sérieux les congrès des blagueurs bourgeois. M. Coullery, qui dans ce temps était encore de l’Internationale, et qui rédigeait la Voix de l’Avenir, mais qui préparait déjà son évolution vers le camp des « libéraux », prit fait et cause pour la Ligue de la paix, et écrivit que le vote de Bruxelles était contraire au bon sens. Et cependant à qui l’avenir a-t-il donné raison ?

La Ligue de la paix vient de rendre le dernier soupir, et l’Internationale, toujours debout malgré les persécutions de tout le monde bourgeois