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tère, qui la soutiendront, j’en ai l’espérance. D’ailleurs j’ai fait tout ce que j’ai pu pour assurer du moins en partie le sort de sa famille. J’ai écrit une lettre, un adieu suprême à mes frères, qui d’ailleurs n’ont jamais renié mes droits sur une partie de la propriété que nous avons en commun, et qui m’ont toujours demandé, pour réaliser cette partie, que je leur envoie un homme investi de ma pleine confiance et de tous les pleins-pouvoirs nécessaires pour la recevoir. Jusqu’à présent je n’avais pas trouvé cet homme. Maintenant, par les lettres ci-jointes, je donne ces pleins-pouvoirs à Sophie [Lossowska], la sœur d’Antonie. Je ne saurais les placer en de meilleures mains. Elle est aussi résolue qu’habile, et son dévouement pour Antonie est sans bornes.

Et maintenant, mes amis, il ne me reste plus qu’à mourir, adieu, Emilio, mon vieil et fidèle ami, merci pour ton amitié pour moi et pour tout ce que tu feras pour les miens après ma mort. Je te prie, aide le transport d’Antonie qui sera incessant, je pense, à moins qu’elle ne croie devoir rester encore quelques jours pour épargner une trop grande crise au père. Prête-lui cinq cents, mille francs au besoin, on te les rendra et bientôt, je t’assure.

Quant aux 2100 francs de M. Félix Rusca, remets-les à Cafiero aussitôt qu’ils t’auront été restitués[1].

Antonie, ne me maudis pas, pardonne-moi. Je mourrai en te bénissant, toi et nos chers enfants.

M. B.


Bakounine mit son Mémoire justificatif à la poste le 29 juillet, à l’adresse d’Emilio Bellerio ; et, quittant Splügen,il prit la route de Bologne, où il devait arriver le lendemain soir.

Je ne veux pas raconter par le menu les événements qui se passèrent à Bologne, en Romagne, dans la Pouille, et en quelques autres régions de l’Italie, dans la première quinzaine d’août 1874[2] ; je me bornerai aux indications strictement nécessaires.

Malgré l’hostilité que les mazziniens avaient toujours témoignée à l’Internationale, une tentative avait été faite, dans l’été de 1874, par quelques socialistes italiens (Celso Cerretti entre autres), pour les décider à une action révolutionnaire commune ; on s’était adressé en premier lieu à Garibaldi, qui, d’abord très opposé à un rapprochement avec Bakounine et ses amis, avait fini par se laisser persuader ; par l’intermédiaire de Garibaldi, on tenta d’agir sur les mazziniens les plus avancés, comme Valzania ; et une réunion des chefs mazziniens fut convoquée pour examiner la situation et décider si, oui ou non, le parti coopérerait avec l’Internationale à un mouvement insurrectionnel pour renverser la monarchie. La réunion des mazziniens eut lieu le 2 août à la villa Ruffi, près de Rimini ; les doyens du parti, comme Aurelio Saffi et Fortis, étaient opposés à l’action commune, tandis que les éléments plus jeunes la désiraient. Mais la police était sur ses gardes : la villa où se tenait la réunion fut investie, et vingt-huit mazziniens, parmi lesquels Saffi, Fortis et Valzania, furent arrêtés[3].

Cet incident enlevait au mouvement projeté une de ses principales chances de

  1. C’était de l’argent de Cafiero que Bakounine avait prêté à un ami tessinois, beau-frère de Bellerio.
  2. On trouve un récit détaillé de ces événements dans la biographie de Bakounine par Nettlau, pages 791-814.
  3. Ils furent tous remis successivement en liberté, avant la fin de l’année, par des ordonnances de non-lieu.