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tront au profit de leurs maîtres. Qu’ils s’abstiennent de politique bourgeoise, qu’ils tournent le dos à tous les partis ; et alors, la pomme de discorde qui les divise ayant disparu, ils se trouveront fraternellement unis sur le terrain de la solidarité économique, et pourront travailler tous ensemble à préparer la révolution sociale. » (Bulletin du 19 avril 1874.)

En février, Thomas Halliday, président d’une association d’ouvriers mineurs, et sept autres membres du comité de cette association, avaient été déférés à la cour d’assises de Manchester comme prévenus de conspiration, la loi anglaise interdisant, sous le nom de conspiracy, « tout ce qui peut obstruer le commerce » ; le crime des accusés était d’avoir payé le voyage de retour d’ouvriers que les propriétaires des mines de Burnley avaient fait venir d’autres parties du pays pour remplacer des grévistes. Le procès fut jugé en avril, et, les jurés n’ayant pas réussi à se mettre d’accord (en Angleterre le verdict du jury doit être rendu à l’unanimité), il fallut renvoyer les accusés sans que la cour eût pu prononcer une sentence. Mais le ministère public déclara qu’il n’abandonnait pas l’accusation, et qu’il se réservait de la reprendre en un moment plus opportun.


Aux États-Unis, le Committee of safety élu au meeting du 11 décembre, à New-York, organisa pour le 13 janvier 1874 une grande réunion populaire en plein air, à Tompkins Square. Les autorités municipales ayant résolu de s’opposer à cette démonstration, la police chargea les manifestants et le public à coups de casse-têtes ; un ouvrier fut tué, beaucoup d’autres blessés, et un certain nombre d’arrestations furent faites. Mais cet incident n’arrêta pas le mouvement, et, les jours suivants, des meetings de protestation furent tenus dans divers quartiers de la ville. Dans l’un de ces meetings, T. H. Banks prononça un discours où se trouvaient ces paroles significatives, reproduites par le New York Herald : « De pareils traitements ne nous laissent point d’autre remède que la force des armes, et nous devons nous préparer à l’emploi des armes pour maintenir notre droit de nous réunir librement. Le temps est venu où nous devons nous préparer aux dernières extrémités… Qu’on ne parle plus de la libre Amérique ! Nous sommes fatigués des démagogues politiques, nous en avons assez. On nous appelle communistes ! Les communistes sont les seuls qui s’inquiètent des droits des ouvriers (Applaudissements). »

L’agitation qui régnait à New York et dans tous les grands centres industriels ne devait aboutir, d’ailleurs, à aucun résultat, par suite du défaut d’entente entre ceux qui menaient l’agitation, et parce que les masses prolétariennes n’étaient pas organisées.


La crise industrielle qui, des États-Unis, s’était répercutée dans le Jura suisse, amena, avec le chômage, une baisse générale des salaires dans l’industrie horlogère jurassienne et genevoise. Les patrons monteurs de boîtes en or de la Chaux-de-Fonds avaient voulu, en décembre 1873, imposer à leurs ouvriers un tarif diminuant les prix de la main-d’œuvre. Les ouvriers refusèrent de l’accepter ; les patrons déclarèrent maintenir leur nouveau tarif, et, en présence de leur attitude, la grève fut déclarée le 8 janvier 1874. Les patrons envoyèrent à leurs collègues des autres localités une circulaire pour les inviter à ne pas accepter dans leurs ateliers les ouvriers venant de la Chaux-de-Fonds ; de leur côté, les ouvriers réclamèrent l’appui de la Fédération jurassienne, et le Bulletin du 25 janvier publia l’appel suivant : « Les ouvriers monteurs de boîtes de la Chaux-de-Fonds, quoique ne faisant pas partie de l’Internationale, viennent de réclamer, par une lettre officielle, l’appui moral et matériel de notre Association dans la grève qu’ils soutiennent en ce moment. Cet appui ne leur fera pas défaut. Nous faisons appel à la solidarité de toutes les sections, non seulement de la Fédération jurassienne, mais des Fédérations du monde entier, assurés que notre appel sera entendu. » Dans un article intitulé : Le remède à la crise (18 janvier), j’avais expliqué qu’à un événement d’un caractère international il était inutile de vouloir opposer une simple résistance locale :