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vrier 1874 (j’habitais alors rue de la Place d’Armes, n° 5), je m’éveillai en me chantant à moi-même le motif du refrain ; et, en une demi-heure, j’eus achevé d’écrire la musique de la chanson. C’est sur cette musique, ainsi improvisée, communiquée au poète et à quelques amis, que se chanta et que se chante encore aujourd’hui la Jurassienne, à Paris comme en Suisse, en Russie comme en Amérique[1].



VII


De janvier 1874 au Congrès jurassien de la Chaux-de-Fonds. 25-27 avril 1874.


En Espagne, l’année 1874 commença par le coup d’État militaire du général Pavia :

« L’Assemblée nationale espagnole (les Cortès) a été dissoute dans la nuit du 2 au 3 janvier par un coup d’État. Les députés s’étaient prononcés, par 120 voix contre 100, contre le gouvernement de M. Castelar, et le pouvoir allait passer aux mains des intransigeants ; alors le général Pavia, gouverneur de Madrid, a fait braquer des canons contre le palais de l’assemblée ; un détachement d’infanterie a envahi la salle, et les représentants ont été mis à la porte. C’est la répétition du 18 brumaire et du 2 décembre. Un nouveau gouvernement, dont les membres principaux sont MM. Serrano et Sagasta, s’est immédiatement installé. Le coup d’État s’est fait au profit des monarchistes, et, dans un délai plus ou moins court, nous assisterons à l’avènement de Don Alphonse, fils et héritier de Sa Majesté Isabelle II. » (Bulletin du 11 janvier 1874.)

« La dictature grotesque de Castelar, ce républicain qui a montré tant de zèle à faire fusiller les socialistes, est tombée sous le mépris universel ; elle est remplacée par une autre dictature aussi brutale, aussi despotique, mais qui du moins ne prétend pas se couvrir du masque de la liberté... Le coup d’État du 3 janvier a provoqué des insurrections dans diverses provinces : Barcelone, en particulier, est soulevée depuis le 8 janvier, et le télégraphe prétend que c’est l’Internationale qui dirige le mouvement ;... Carthagène a été abandonnée par les intransigeants, qui se sont sauvés en Algérie à bord d’une frégate. » (Bulletin du 18 janvier.)

« Le mouvement de Barcelone, dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, paraît n’avoir été qu’une échauffourée des partisans de Castelar et de Pi y Margall. Une lettre particulière de Barcelone nous apprend que le nouveau gouvernement vient de prononcer la dissolution de l’Internationale en Espagne. Cette dissolution a déjà été prononcée une première fois, il n’y a pas encore deux ans, par le ministre Sagasta, et la Fédération espagnole n’en a pas moins continué de vivre et d’agir : l’Internationale est indestructible. » (Bulletin du 25 janvier.)

Un peu plus tard, le Bulletin constatait que l’Internationale espagnole vivait toujours :

« L’ordre règne en Espagne, à ce qu’assure le gouvernement... La grande ennemie de la société moderne, l’Internationale, est vaincue : il a suffi d’un décret pour l’anéantir, pour supprimer ses sections et ses journaux.

« Oui, l’Internationale est anéantie en Espagne, de la même façon qu’elle est anéantie en France, c’est-à-dire qu’elle continue à agiter et à organiser les masses avec plus d’ardeur que jamais. Eh quoi ! parce que, pendant un certain temps, les sections de l’Internationale ne pourront pas se réunir publiquement, parce qu’on séquestrera leurs journaux, on croit avoir détruit notre Association ? C’est une plaisanterie. » (Bulletin du 1er mars.)

  1. La musique de la Jurassienne a été publiée sous le pseudonyme de Jacques Glady (Glady est le nom de famille de ma mère, une Française dont les frères, le père et l’aïeul furent des musiciens de profession).