Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des villes du littoral, qui venaient justement d’être soumises par le gouvernement. La flotte du canton souverain de Carthagène se contenta d’aller menacer de bombardement, et quelquefois de bombarder réellement, les autres villes (souveraines comme elle, d’après la théorie intransigeante), depuis Valencia jusqu’à Málaga, si elles se refusaient à livrer les contributions exigées tant en approvisionnements qu’en beaux écus sonnants. Aussi longtemps que ces villes avaient combattu en armes contre le gouvernement, Carthagène avait agi d’après le principe Chacun pour soi. Lorsqu’elles furent vaincues, le principe qu’on voulut appliquer fut : Tout pour Carthagène. Voilà comment les intransigeants de Carthagène et leurs auxiliaires bakounistes comprennent la fédération des cantons souverains.

« Pour accroître les rangs de ces défenseurs de la liberté, le gouvernement de Carthagène mit en liberté les dix-huit cents forçats qui étaient enfermés dans le bagne de la ville, — les voleurs et les assassins les plus dangereux de l’Espagne. Cette mesure révolutionnaire a été conseillée par les bakounistes : cela ne peut faire aucun doute après les révélations du rapport sur l’Alliance. Il y a été prouvé que Bakounine réclame « le déchaînement de toutes les mauvaises passions » et considère le brigand russe comme l’idéal du vrai révolutionnaire. Le gouvernement de Carthagène, en « déchaînant les mauvaises passions » de ces dix-huit cents coupeurs de gorges et en portant ainsi à son comble la démoralisation de ses propres troupes, a agi tout à fait dans l’esprit de Bakounine. Et le gouvernement espagnol suit une politique très sensée en se bornant, au lieu de canonner une forteresse qui lui appartient, à attendre la chute de Carthagène de la seule démoralisation de ses défenseurs. »


Les insurgés de Carthagène jugés par le Volksstaat (un autre rédacteur)
du 5 novembre 1873.

« En Espagne, les insurgés de Carthagène ont remporté récemment des succès importants. Ils ont réussi à forcer le blocus, et à repousser la flotte de M. Castelar sous les canons protecteurs des Anglais à Gibraltar. Les insurgés sont maintenant maîtres incontestés de la mer, ce qui leur donne le triple avantage de pouvoir se ravitailler selon leurs besoins, de dominer ou de menacer les autres villes du littoral, et d’avoir à leur merci tout le commerce maritime de l’Espagne. Dans ces conditions, M. Castelar n’a guère de probabilités de pouvoir réduire l’insurrection ; par contre, les insurgés ont des espérances très fondées de mettre M. Castelar à la raison. D’après les dépêches les plus récentes, la flotte des insurgés a fait voile pour Barcelone. Si cette nouvelle se confirme, les affaires espagnoles pourraient bien toucher à une crise. Barcelone, le centre industriel le plus important et le plus populaire, et la ville la plus révolutionnaire de l’Espagne, avait été ce printemps sur le point de faire cause commune avec les intransigeants ; elle en fut empêchée parla conduite aussi stupide que lâche des ânes anarchiques disciples de Bakounine. Si la flotte des insurgés paraît devant la ville, il n’est pas invraisemblable que le prolétariat barcelonais, malgré les agissements contre-révolutionnaires des blagueurs bakounistes, se ralliera à l’insurrection de Carthagène. Si cela arrive, le gouvernement