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poltrons[1] ? Voici le mot de l’énigme. M. Engels, trompé par de faux rapports, nous dit que les internationaux de Valencia sont en majorité marxistes : aussi va-t-il exalter leur valeur et la mettre en contraste avec la couardise des alliancistes :

« Les correspondants des journaux anglais — dit M. Engels — ont parlé des insurgés de Valencia avec un respect qu’ils sont loin d’accorder à ceux des autres villes soulevées ; ils louent leur discipline virile, l’ordre qui régnait dans la ville, et ils ont prévu des combats opiniâtres et une longue résistance. Ils ne se trompaient pas. Valencia, ville ouverte, a tenu contre les attaques de la division Martinez Campos du 26 juillet au 8 août ; par conséquent, sa résistance a duré plus longtemps que celle de l’Andalousie tout entière. »

M. Engels a bien raison de louer le courage des ouvriers valençois ; seulement nous devons lui apprendre que les renseignements qu’on lui a donnés quant à leur marxisme sont complètement mensongers. Les marxistes forment à Valencia un groupe insignifiant d’une douzaine d’hommes, et la fédération ouvrière locale est allianciste comme toutes celles d’Espagne et paie ses cotisations à la Commission fédérale espagnole ; elle se compose, selon le rapport présenté au Congrès de Genève par cette Commission, des sections suivantes : ouvriers en fer, maçons, charpentiers, ouvriers en peaux, peintres, tisseurs en soie, passementiers, tisseurs en laine, éventaillistes, cordiers, constructeurs de pianos, typographes, teinturiers, sculpteurs, cordonniers, et métiers divers. Ce sont donc les membres de seize sections alliancistes qui se sont battus si bravement contre l’armée de Martinez Campos. Ajoutons que le membre le plus influent de la junte révolutionnaire de Valencia a été le compagnon Rosell, bien connu comme ancien membre de la Alianza.

On voit que M. Engels, s’il veut être conséquent, est tenu de rétracter les éloges qu’il a donnés aux ouvriers valençois, maintenant qu’il lui est prouvé que ce ne sont pas des marxistes.

L’article se termine par des railleries sur les intransigeants de Carthagène. Mais qu’y a-t-il de commun entre les ouvriers espagnols et les aventuriers politiques qui se sont emparés de cette ville ? Veut-on rendre l’Internationale responsable de ce qui s’y passe ? Oui, pour servir le plan de M. Engels, il faut qu’il en soit ainsi. Bien plus, M. Engels a découvert le véritable chef des intransigeants de Carthagène, celui qui mène toute l’affaire : c’est — le croiriez-vous ? — c’est... Bakounine !

Il paraît — ce sont les journaux bourgeois qui le racontent — que les intransigeants de Carthagène ont armé les forçats du bagne, « dix-huit cents scélérats, les plus dangereux voleurs et meurtriers de l’Espagne », dit M. Engels. Eh bien, ajoute notre écrivain, « cette mesure a été conseillée par les bakounistes, cela ne fait aucun doute pour nous ».

Un rédacteur des journaux de police, un bohème du Figaro parlerait-il autrement ? Et ces choses-là s’impriment dans le Volksstaat, organe des socialistes allemands !

Terminons par un échantillon de la manière dont M. Engels entend cette

  1. Engels a écrit : « Toute l’Andalousie fut soumise presque sans combat ».