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Congrès de Genève, en parlant successivement de chacun des pays où l’Internationale comptait des adhérents.


Le Bulletin du 18 octobre 1873 reproduisit en entier le procès-verbal d’une séance de la Commission fédérale espagnole (transférée d’Alcoy à Madrid), celle du 20 septembre[1], afin de montrer « par quelle crise passe en ce moment l’Internationale en Espagne, et, en même temps, avec quelle énergie les socialistes espagnols travaillent à reconstituer leur organisation là où elle avait été dissoute, et à la compléter là où elle était restée intacte ». Ce procès-verbal mentionne dix-sept communications expédiées, durant la semaine, à des fédérations, Unions de métiers, ou sections, et treize communications reçues d’autant de localités différentes ; en voici une qui est caractéristique : « Le Conseil local d’Alcoy nous annonce que le juge spécial a condamné à l’amende un maître maçon qui voulait que ses ouvriers travaillassent neuf heures, après qu’il avait accepté la convention qui fixe la journée de travail à huit heures ; le juge a motivé sa sentence. en disant que la conduite de ce patron ne pouvait qu’amener la reproduction des événements de juillet ». Le Bulletin du 2 novembre contient ce renseignement emprunté au procès-verbal de la Commission espagnole du 3 octobre : « Les fédérations locales qui continuent sans interruption leurs relations régulières avec la Commission fédérale sont au nombre précis de cent ; par contre, soixante-seize fédérations locales ont dû suspendre momentanément leurs correspondances à cause des événements politiques[2]. Parmi les fédérations dont les communications sont interrompues, nous ne voyons qu’un petit nombre de villes importantes, entr’autres le Ferrol, Jaen et Carthagène. Les grands centres, tels que Madrid, Barcelone, Pampelune, Cadix, Cordoue, Grenade, Xérès, Málaga, Murcie, Séville, Alcoy, Alicante, Palma (île Majorque), Valencia, Léon, Ségovie, Valladolid, Saragosse, sont restés organisés et correspondent activement. »

Dans le courant de septembre, Salmeron avait été remplacé à la présidence de la République par Castelar. « Ce fameux républicain, écrit le Bulletin, marche dans la voie de la réaction isabelliste avec un cynisme qui fait pâmer d’aise nos bons journaux bourgeois. Les Serrano, les Topete sont revenus ; ils ont de nouveau la haute main dans les affaires ; les Cortès ont suspendu leurs séances : l’Espagne est bien décidément sous la dictature militaire. » À Carthagène, les cantonalistes — adversaires de l’Internationale aussi bien que du gouvernement — tenaient toujours, sous le commandement des généraux Contreras et Ferrer, malgré le blocus et le bombardement ; mais ils devaient succomber, en janvier 1874, après six mois environ d’une résistance inutile.

Cependant, à la fin d’octobre, Engels, furieux d’avoir vu l’Internationale échapper au gouvernement de la coterie dont il était le membre le plus remuant, imagina de prendre une revanche en attaquant les internationaux espagnols ; il publia dans le Volksstaat deux articles dans lesquels il raconta, en les travestissant d’une façon aussi haineuse que bête, les événements dont

  1. Le Boletin espagnol ayant suspendu sa publication, les procès-verbaux de la Commission étaient imprimés dans les organes locaux.
  2. Voici quelques exemples des persécutions dont l’Internationale était l’objet : à San Lucar (où un mouvement révolutionnaire avait eu lieu en juillet), la fédération locale est toujours dissoute, et ne peut se réorganiser, parce qu’aucune réunion ouvrière n’est permise ; à Manresa, le local de la fédération a été saccagé, on y a détruit les meubles et les documents et on y a volé les timbres des sections ; à Cadix, où le gouvernement avait, comme en quelques autres villes, au début de la République, concédé un local aux sociétés ouvrières, Castelar l’a fait évacuer pour y installer une école de petites filles sous l’invocation de la Vierge du Rosaire ; à Bilbao, un député républicain fédéral, Echebarrieta, menace les ouvriers de les faire emprisonner s’ils continuent leur travail de propagande et d’organisation ; à Alcoy, on emprisonne les plus actifs parmi les ouvriers socialistes ; à Séville, Marselau, ancien délégué au Congrès de la Haye, est arrêté par ordre du gouverneur ; etc.