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lodies très originales qu’il avait écrites sur des traductions allemandes de diverses pièces lyriques du grand épicurien persan, le poète Hafiz ; je lui témoignai ma sincère admiration, et nous devînmes également bons amis. Ce fut Reichel qui me donna l’hospitalité pour la nuit ; le lendemain je regagnai Neuchâtel, tandis que Dave (que je n’ai jamais revu) reprenait le chemin de la Belgique.

Ce fut pendant le séjour de Bakounine à Berne que s’accomplit sa rupture définitive avec le groupe de Holstein, Œlsnitz et Ralli. Ceux-ci allaient créer à Genève, sous la direction de Ralli, une nouvelle imprimerie russe ; mais avant même que cette imprimerie put fonctionner, ils firent paraître, vers le milieu de septembre, le premier numéro (qui resta le numéro unique) d’une publication (russe) intitulée : Aux révolutionnaires russes. N° 1, Septembre 1873. Commune révolutionnaire des anarchistes russes. Ce numéro contenait le texte même du programme, rédigé par Bakounine, de l’organisation secrète dont Holstein, Œlsnitz et Ralli avaient fait partie. La publication de ce programme fut considérée par Bakounine et Ross comme une véritable trahison, et, malgré les circonstances atténuantes plaidées par Œlsnitz dans une lettre qu’il m’écrivit[1], il est bien difficile de ne pas voir, à tout le moins, dans un semblable procédé, une indiscrétion répréhensible et un acte peu délicat envers celui dont ils s’appropriaient ainsi les idées avec l’expression très personnelle qu’il leur avait donnée.

Bakounine se trouvait avoir reçu, de ces amis, en plusieurs fois, diverses sommes dont le total s’élevait à 1990 fr. ; les ressources qu’il devait à la libéralité de Cafiero le mettaient heureusement en mesure de rembourser cet argent, Ross se présenta chez Œlsnitz de la part de Bakounine, et déclara, au nom de celui-ci, qu’il était prêt à verser les 1990 fr, en échange d’une quittance et d’une déclaration portant que « ni Bakounine, ni aucun de ses amis ne devaient plus rien à ces messieurs ». Œlsnitz et ses deux camarades refusèrent de donner quittance, et refusèrent également la déclaration demandée, parce qu’ils estimaient qu’outre le remboursement des 1990 fr., ils avaient encore des revendications à exercer contre Ross au sujet de la propriété de l’imprimerie et de la bibliothèque restées entre les mains de celui-ci. Bakounine me demanda de servir d’intermédiaire pour le règlement de cette affaire ; je consentis à recevoir en dépôt la somme à rembourser, et j’écrivis à OElsnitz pour lui dire que cette somme était à sa disposition, contre la quittance et la déclaration dont la formule lui avait été indiquée. Œlsnitz m’envoya alors (octobre) une longue lettre d’explications et de récriminations contre Bakounine et Ross, où il disait : « Dites à Bakounine que nous consentons à donner la quittance qu’il exige, s’il nous rend tout ce qui nous appartient, c’est-à-dire, outre les 1990 fr., encore l’imprimerie et les produits de notre travail[2] qui sont infructueux entre les mains d’un mystificateur ». Les choses en restèrent là pendant neuf mois ; enfin, en juillet 1874, Œlsnitz me récrivit qu’après réflexion, ses amis et lui consentaient à signer la quittance qu’ils s’étaient, au début, refusés à donner ; en conséquence, j’envoyai à Ralli les 1990 fr., et je transmis à Bakounine la quittance qui me fut adressée ; quant à la déclaration, je ne crois pas qu’elle ait été signée, et il me semble me souvenir que Bakounine avait renoncé à l’exiger. (Voir Nettlau, p. 779.)


Entre le 20 et le 25 septembre, prenant occasion de deux articles parus dans

  1. « Possédant — m’écrivait Œlsnitz en octobre 1873 — un programme de la Fraternité russe fondée par Bakounine et dont nous étions membres, programme écrit par Bakounine et qui contient un fort bel exposé des principes anarchiques, nous résolûmes de l’imprimer en forme de brochure, après en avoir préalablement rayé absolument tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, avait quelque rapport avec l’organisation de la Fraternité russe, de sorte que dans la brochure il n’y a rien que des purs principes anarchiques et collectivistes, un résumé de ce qui s’imprime chaque jour dans les journaux socialistes anti-autoritaires. » (Nettlau, p. 777.)
  2. Le volume Istoritcheskoié razvitié Internatsionala.