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de l’Internationale marxiste, et le Conseil général de New York qui devait continuer à la diriger.

Six mois après le Congrès du 8 septembre 1873, le Volksstaat (numéro du 13 mars 1874), dans une correspondance de Genève due évidemment à la plume de Becker, dénonçait un nouveau journal nommé l’Union des travailleurs, qui se donnait pour l’organe d’une prétendue « Ligue des corporations ouvrières » ; cette « Ligue », disait le Volksstaat, se compose de six ou sept individualités prétentieuses ou nulles[1], qui n’ont pas derrière elles une seule société ouvrière. « Ce sont ces mêmes hommes, ajoutait-il, qui ont montré durant des années, à la tête de l’ex-Fédération romande, leur incapacité administrative ; ce sont les mêmes qui, par leur folie et leur maladresse, ont amené la rupture avec les socialistes du Jura, et qui ont travaillé ensuite de tout leur pouvoir à la rendre plus complète[2]. »

Dans son numéro du 6 mars 1874, le même Volksstaat qualifiait Oberwinder (Schwarz) d’agent de la bourgeoisie libérale autrichienne, et portait des accusations graves contre sa moralité politique et privée. Sur quoi le Bulletin (22 mars 1874), après avoir cité cette appréciation du Volksstaat, disait : « C’est ce même M. Henri Oberwinder qui a siégé au Congrès autoritaire de Genève en septembre dernier, et qui, en qualité de mandataire du Conseil général de New York pour l’Autriche, y a distribué à diverses personnes neuf[3] prétendus mandats autrichiens fabriqués de sa main (l’original d’un de ces mandats fabriqués est en la possession d’un de nos amis), grâce auxquels ces personnes ont pu siéger au Congrès et former une majorité pour le maintien du Conseil général à New York. On se rappelle que ce Congrès autoritaire était formé de deux éléments : d’une part, les meneurs de l’ex-Fédération romande ; d’autre part, les porteurs des mandats Oberwinder. On a vu plus haut le jugement que porte le Volksstaat sur ses anciens amis de la Fédération romande ; pour achever de nous édifier, il nous apprend qu’Oberwinder est un agent de la bourgeoisie. Que reste-t-il, maintenant, du Congrès autoritaire ? »

Il ne manquait plus, à ce malheureux Congrès, que d’être désavoué par Sorge lui-même ; et c’est ce qui eut lieu. Dans le cours du mois de janvier 1874, la discorde se mit entre les quelques groupes restés fidèles, aux États-Unis, à ce qui continuait à s’appeler le Conseil général de l’Internationale. Sorge prononça alors la dissolution du Conseil fédéral américain (8 février 1874), et décida que le Conseil général en remplirait lui-même les fonctions ; puis il convoqua un Congrès de délégués des groupes fidèles, pour le 11 avril suivant, à Philadelphie. Ce Congrès approuva la dissolution du Conseil fédéral américain, élut un nouveau Conseil général qui fut en même temps Conseil fédéral, et, sur la proposition de Sorge, vota la résolution suivante :

« Considérant que les décisions prises par le Congrès tenu à Genève en septembre 1873 n’ont pas été communiquées au Conseil général dans leur texte officiel ; que les papiers du Congrès, envoyés au Conseil général, se trouvent dans un état de désordre absolu, et qu’il est impossible, pour des personnes qui n’ont pas assisté au Congrès, d’y rien comprendre ;

« Qu’il est impossible de tenir chaque année un Congrès général ;

« Le Congrès des Sections américaines décide de ne reconnaître comme

  1. Dans une lettre à Sorge (la même où il lui recommande de façon pressante de se mettre en rapports avec Terzaghi), Becker lui dénonce cette « Union ouvrière universelle » comme une création du « faiseur de phrases » Henri Perret c’est, dit-il, « une véritable conspiration contre l’Internationale » ; et il ajoute que le correspondant de Bruxelles de l’Union des travailleurs est un ouvrier bijoutier français, venu de Genève, nommé Bazin, qui a été « le secrétaire du Congrès », et que Sorge devra signaler partout. — Le rédacteur en chef de l’Union des travailleurs était un certain Jules Nostag (anagramme de « Gaston »), journaliste équivoque, correspondant de la Liberté de Paris (Bulletin du 18 janvier 1874).
  2. J’ai déjà reproduit cette phrase, d’après le Bulletin du 22 mars 1874, au tome II, p. 12.
  3. Lire « douze ou treize ».