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« L’ordre du jour du Congrès étant épuisé, nous allons clore les séances publiques. Mais il importe, au moment où nous achevons nos délibérations, de bien préciser la signification de ce Congrès. Deux idées se trouvaient en lutte après le Congrès de la Haye : le fédéralisme et l’autoritarisme. C’est le premier de ces deux principes qui l’a emporté au sein de toutes les fédérations de l’Internationale ; c’est pour réorganiser l’Internationale sur une base fédéraliste que nous avons été délégués ici. Le Congrès de Genève de 1866 avait conclu le premier pacte d’union entre les travailleurs ; depuis lors, les intrigues de quelques ambitieux avaient fait dévier l’Internationale de la ligne qu’elle s’était tracée à son début ; le Congrès de Genève de 1873 a fait rentrer notre Association dans sa véritable voie ; le peuple travailleur ne veut plus de chefs et de directeurs, il veut prendre lui-même en mains la gestion de ses affaires.

« Vous avez décidé que le prochain Congrès général aura lieu à Bruxelles. Comme Belge, je puis vous assurer que vous serez reçus avec le même empressement et la même cordialité que nous l’avons été ici. Nous comptons sur le concours du plus grand nombre possible de délégués, et nous espérons que le Congrès de 1874 continuera dignement celui de 1873.

« Je remercie tous les délégués, qui m’ont rendu facile la tâche de la présidence, et je déclare closes les séances publiques du sixième Congrès général de l’Internationale. Vive l’Association internationale des travailleurs ! Vive la Révolution sociale ! » (Applaudissements et acclamation des délégués et du public.)

Le même soir, — dit le compte-rendu, — un banquet réunit dans la salle du Congrès les délégués et un grand nombre d’ouvriers genevois. Un esprit de véritable fraternité présida à cette fête, animée par des discours et des chants, et qui termina dignement les travaux du Congrès de 1873.

Le samedi matin, les délégués se réunirent une dernière fois en séance administrative pour régler quelques questions matérielles. Des remerciements furent votés à la Section de propagande de Genève, pour la façon dont elle s’était acquittée de sa tâche de préparer l’organisation du Congrès.



Il faut maintenant parler du Congrès marxiste, c’est-à-dire de cette misérable et ridicule contrefaçon d’un Congrès, — désavouée, comme on le verra, par ses auteurs mêmes, — qui fut exhibée à Genève le 8 septembre 1873 et les jours suivants.

C’était le Conseil général de Sorge qui, par circulaire en date du 1er juillet, avait convoqué cette réunion. La convoquer était facile ; le difficile, c’était d’y faire aller des délégués. « La caisse du Conseil général était vide » (Corresp. de Sorge, p. 114) : Sorge se voyait donc dans l’impossibilité de faire le voyage d’Europe. Il demanda à Engels de se rendre à Genève à sa place, pour y représenter le Conseil général. « Engels refusa net » (Sorge) : il ne se souciait pas d’aller compromettre sa personne dans une équipée qui ne pouvait aboutir qu’au plus lamentable fiasco ; quant à Marx, sa dignité lui défendait, à bien plus forte raison encore, de se commettre en semblable aventure. On se rabattit sur Serraillier[1], à qui Sorge envoya des mandats et de l’argent ; et on adjura le pseudo-Conseil fédéral anglais d’envoyer aussi à Genève une délégation. Engels essaya en outre de s’assurer le concours de Bignami ; mais celui-ci, renseigné, préféra s’abstenir. À Genève même, il y avait un parti qui, trouvant qu’à la Haye on était allé trop loin dans le sens autoritaire, demandait qu’on fît machine en arrière, et parlait de conciliation[2] ; cette fraction voulait ramener le Conseil

  1. Lettre d’Engels à Sorge, 26 juillet : « Hier, je t’ai télégraphié : Serraillier, yes. Envoie donc tout de suite instructions et matériaux à Serrailler, afin qu’il ait le temps de se familiariser avec leur contenu, et qu’il n’arrive pas avec des papiers qu’il n’aurait pas lus. De plus, envoie de l’argent. Ni Marx ni moi n’aurions pu nous charger de la chose, sans qu’on recommençât à crier : Voyez, c’est toujours Marx qui est là derrière, et ceux de New York ne sont que des comparses. J’ai eu de la peine à décider Serraillier. »
  2. Il avait paru, en août, une brochure portant les signatures de H. Perret, Duval, etc., dans laquelle ces messieurs, pour la première fois depuis 1870, tenaient un langage conciliant ; ils blâmaient le Congrès de la Haye et l’ancien Conseil général de Londres.