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ché le triomphe de la réaction ; pendant la dernière révolution espagnole, la grève générale aurait été un moyen efficace de paralyser la Prusse et de l’empêcher de contenir le mouvement révolutionnaire de l’Espagne.

Alerini cite, comme exemple de ce qu’on peut obtenir par la grève générale, même restreinte à une seule localité, ce qui s’est passé à Alcoy. Dans cette ville, les ouvriers de certains corps de métier étaient en grève ; ils allaient succomber et se voir forcés de reprendre le travail sans avoir rien obtenu, lorsque la Commission fédérale espagnole (qui avait son siège à Alcoy) proposa de faire une grève générale de tous les corps de métier de la ville, ceux-ci prenant l’engagement que, dans aucun corps de métier, les ouvriers ne reprendraient le travail avant que tous les autres métiers eussent obtenu satisfaction. Cette grève générale amena un conflit armé, dans lequel les ouvriers renversèrent l’autorité locale ; les principaux bourgeois furent arrêtés comme otages ; et quand le général Velarde se présenta devant Alcoy avec une armée, il dut négocier ; les otages s’offrirent à une médiation ; le gouverneur de la province promit qu’il ne serait exercé aucune poursuite contre les insurgés ; les conditions que les grévistes exigeaient de leurs patrons furent acceptées, et une taxe fut imposée aux bourgeois, avec le produit de laquelle les travailleurs furent indemnisés des journées perdues pendant la grève. En conséquence, Alerini est un partisan convaincu de la grève générale comme moyen révolutionnaire.

James Guillaume constate que l’idée de la grève générale révolutionnaire est à l’ordre du jour ; elle est l’aboutissant logique de la pratique des grèves partielles ; celles-ci ne donnant que des résultats momentanés et incomplets, on a reconnu qu’il fallait tendre à généraliser la grève. La grève générale, pour vaincre, devra être internationale. Mais est-il nécessaire qu’elle éclate partout à la fois, à jour fixe et sur un mot d’ordre ? Non, il ne faudrait pas même agiter cette question, et laisser supposer qu’il peut en être ainsi. La révolution doit être contagieuse. Il ne faudrait pas que jamais, dans un pays où un mouvement spontané va éclater, on veuille en différer l’explosion sous prétexte d’attendre que les autres pays soient prêts à le suivre.

Costa dit que les grèves partielles n’ont été que de la poudre jetée aux yeux des ouvriers. La grève générale, elle, est un excellent moyen révolutionnaire. Seulement le Congrès n’a pas à se prononcer à cet égard ; ce serait risquer de faire sourire les bourgeois.

Brousse pensa que, si la grève générale est un moyen pratique dans certains pays, ailleurs, en Italie et en France par exemple, ce moyen ne pourrait pas être employé. Pourquoi, en France, où la grève générale est impossible, ne ferait-on pas la révolution sous la forme d’un mouvement communaliste ?

Bert dépose le projet de résolution suivant :


Considérant que la grève générale est la grève de toutes les catégories de métiers dans toutes les localités,

Chaque grève générale partielle sera organisée de telle façon qu’une seule catégorie de métier soit en grève dans les différentes localités, et que la catégorie en grève soit soutenue solidairement par toutes les autres. Le produit de l’augmentation de salaire obtenue par cette première victoire devra contribuer à soutenir une seconde catégorie de métier qui se mettra en grève à son tour, et ainsi de suite jusqu’à complet triomphe.


Brousse affirme qu’une semblable proposition serait la défaite organisée des travailleurs.

Costa fait une autre proposition, que voici :


Considérant que la grève générale est un moyen pratique excellent pour aboutir à la révolution sociale, mais que, d’après les déclarations des délégués, s’il est des fédérations où ce moyen pourra servir au triomphe de