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développement de l’esprit révolutionnaire que des années de propagande écrite ou parlée ». Le Conseil fédéral belge voulut ouvrir une souscription pour venir en aide aux ouvriers verviétois ; mais ceux-ci refusèrent fièrement de recevoir des secours, et, dans une déclaration imprimée en tête de leur journal le Mirabeau, ils dirent :

« Nous saisissons cette occasion pour engager toutes les fédérations à employer l’argent de leurs caisses à compléter et à achever l’organisation du parti socialiste révolutionnaire. Quant à nous, nous supporterons notre misère et nous nous préparons à la Révolution, espérant que tous les travailleurs nous prouveront bientôt la solidarité qui les unit à nous, autrement que par des envois d’argent. »

On s’attendait si bien à des événements graves, que lorsque la Liberté, de Bruxelles, qui pendant les six années de son existence avait si vaillamment défendu les principes socialistes, annonça, à la fin de juin 1873, qu’elle était obligée de cesser sa publication, notre Bulletin fit suivre cette nouvelle de ce commentaire plutôt singulier : « C’est un nouveau symptôme du mouvement révolutionnaire des esprits en Belgique. Le temps de l’exposition des principes et de la discussion scientifique est passé ; on a fait assez de théorie : les Belges veulent maintenant faire de l’action. »

Le mouvement qui tendait à la création d’Unions internationales de métier, déjà signalé à l’occasion d’une lettre de la Commission espagnole de correspondance, donna lieu à deux Congrès tenus en Belgique. Le 1er juin eut lieu à Anvers un Congrès pour la création d’une Fédération internationale des ouvriers cordonniers ; une vingtaine de délégués y prirent part ; la plupart représentaient des sociétés belges ; il y avait un délégué de France ; l’Association générale des cordonniers d’Allemagne et la Fédération espagnole des cordonniers avaient envoyé leur adhésion ; un règlement fédéral fut élaboré. Le 24 août, un Congrès réuni à Liège constitua la Fédération européenne des ouvriers tailleurs. Quoique non adhérentes à l’Internationale, ces deux organisations réalisaient, par leur constitution, un des points les plus importants de notre programme.

La Fédération régionale belge tint, quinze jours avant le Congrès général, un Congrès à Anvers, les 15 et 16 août. On y discuta l’ordre du jour du Congrès général. On s’y prononça pour l’organisation de la grève générale. La proposition suivante, relative à l’Espagne, fut adoptée à l’unanimité :

« Le Congrès déclare que l’Internationale n’a rien de commun avec les partis politiques, tels que libéraux, catholiques, progressistes, républicains, etc. Le secrétaire fédéral belge pour l’extérieur enverra à la Fédération espagnole une adresse de sympathie pour engager nos frères les internationaux d’Espagne à persévérer dans leurs généreux efforts pour l’affranchissement du prolétariat. »


En Hollande, un Congrès démocratique réuni le 1er juin à Amsterdam avait fondé une association politique appelée Demokratische Bond van Noord- en Zuid-Nederland. La Tagwacht de Zürich annonça que la Section internationale d’Utrecht avait adhéré à la nouvelle Association ; elle ajouta : « Il faut espérer que les Sections flamandes de Belgique seront bientôt, par les efforts du Demokratische Bond, arrachées à leur bakounisme et à leur indifférence politique » ; et, dans son numéro suivant, elle publia les félicitations qu’au sujet de son article elle avait reçues de M. Bademacher, l’organisateur du Bond néerlandais. À cette occasion, notre ami Gerhard, d’Amsterdam, nous écrivit, le 22 juillet, que la nouvelle association dont la Tagwacht avait parlé était déjà mourante, et que son organe, Het vrije Volk, avait cessé de paraître ; il nous donnait en même temps en ces termes son appréciation sur la situation générale : « Quand je vois tout ce qui se passe sur le terrain du mouvement ouvrier, je suis convaincu qu’un choc, une lutte sanglante, est inévitable ; mais certainement il faut tout d’abord faire de la propagande pour nos idées, et, pour l’accomplissement de ce travail de propagande, la meilleure organisation me paraît celle de sections et fédérations complètement libres, au lieu d’une centralisation du pouvoir. L’Internationale, à ce qu’il me semble, n’est pas destinée à