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L'INTERNATIONALE

ville, le gouvernement de Madrid avait fait arrêter plusieurs membres de notre Association. La révolte contre le pouvoir central devait avoir pour résultat, si elle était victorieuse, la cessation de ces persécutions ; la nombreuse fédération de Valencia s’est donc jetée avec ardeur dans le mouvement ; et il paraît même que les « intransigeants », qui avaient d’abord été à la tête de l’insurrection, s’étant retirés lorsque la situation devint difficile, ce fut l’Internationale qui resta seule maîtresse du terrain. Les ouvriers de Valencia ont déjà repoussé à deux reprises l’armée de Martinez Campos ; je ne sais s’ils réussiront à se défendre encore bien longtemps.

« Mais, bien que les « intransigeants » n’aient rien de commun avec les internationaux et leur aient même montré de l’hostilité, notre presse bourgeoise affecte à dessein de les confondre, et d’attribuer à l’Internationale tout ce qui se passe. »

Dans le courant d’août, un des insurgés d’Alcoy (Francisco Tomás) nous écrivait (Bulletin du 17 août) :

« Le mouvement cantonaliste ayant échoué, et les bourgeois se figurant que notre Association en a été l’âme, il est très probable que les persécutions contre l’Internationale vont prendre un caractère d’acharnement croissant. Ce sont, comme vous le savez, les républicains « intransigeants » qui ont pris l’initiative du mouvement cantonaliste ; mais dans quelques villes, entre autre à Valencia, à Grenade, à Málaga, à Séville, il paraît que les internationaux y ont pris une part active. Toutefois nous manquons jusqu’à présent de nouvelles directes de ces localités depuis les derniers événements. Tout ce que nous savons, c’est qu’à Séville, les seuls qui se soient battus, et « battus comme des lions[1] », sont une troupe d’environ deux cents internationaux. Nous attendons des renseignements véridiques pour nous former un jugement exact sur tous ces faits… Il me reste à vous dire que la participation des internationaux dans le mouvement cantonaliste a été complètement spontanée et sans aucune entente préalable ; voilà comment il s’est fait que, pendant que les uns se battaient, les autres se croisaient les bras. Je ne crois pas que rien soit perdu. Au contraire, nos espérances sont plus grandes que jamais. L’idée révolutionnaire fait chaque jour de nouveaux progrès, et ce qui vient de se passer nous servira d’enseignement pour fortifier notre organisation et nous préparer mieux à la prochaine lutte. »

La Solidarité révolutionnaire de Barcelone, après l’échec du mouvement, publia (14 août) un court résumé des événements, où elle précisait en ces mots la participation de l’Internationale :

« Des juntes révolutionnaires s’étaient établies ; quelques-unes avaient un caractère véritablement socialiste. Le mouvement n’était pas internationaliste ; mais, partageant l’indignation générale, les membres de notre Association l’appuyèrent en beaucoup de points, et quelques-uns d’entre eux, comme Melendez à Carthagène, Rosell à Valencia, Mingoranza à Séville, Rodriguez à Grenade, et plusieurs autres, firent parties des juntes révolutionnaires. »

Vu les mandats d’arrêt lancés contre les membres de la Commission espagnole de correspondance, il fallut constituer une nouvelle Commission, qui s’installa à Madrid, et dont Miguel Pino, de Málaga (voir t. II, p. 274), devint le secrétaire correspondant. C’est cette nouvelle Commission qui rédigea le rapport (daté du 19 août) destiné au Congrès général de Genève, et qui s’occupa de faire élire les délégués qui devaient y représenter la Fédération espagnole.

Je note en passant que les événements d’Espagne eurent pour résultat de provoquer en Portugal une manifestation de sympathie. Notre Bulletin publia dans son numéro du 17 août les lignes suivantes :

« La Section internationale de Lisbonne nous a fait parvenir un document signé des membres de son bureau, par lequel les internationaux portugais se déclarent complètement solidaires des internationaux espagnols, et en particulier des actes de l’Internationale à Alcoy. »

  1. Mot du général Pavia rendant hommage aux défenseurs de Séville.