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sophes. Ses pratiques n’ont jamais été « un moyen de croire, » un expédient pour « abêtir » à la foi une pensée rebelle : ce n’est qu’une habitude chère, un signe de famille, de valeur passagère, et destiné à disparaître quand il n’y aura plus qu’une famille dans le monde converti à la vérité une. Supprimez tous ces miracles et toutes ces pratiques, derrière toutes ces suppressions et toutes ces ruines, subsistent les deux grands dogmes qui depuis les prophètes font le Judaïsme tout entier : Unité divine et Messianisme, c’est-à-dire unité de loi dans le monde et triomphe terrestre de la justice dans l’humanité. Ce sont les deux dogmes qui, à l’heure présente, éclairent l’humanité en marche, dans l’ordre de la science et dans l’ordre social, et qui s’appellent dans la langue moderne, l’un unité des forces, l’autre croyance au progrès.

C’est pour cela que le Judaïsme, seul de toutes les religions, n’a jamais été et ne peut jamais entrer en lutte ni avec la science ni avec le progrès social et qu’il a vu et voit sans crainte toutes leurs conquêtes. Ce ne sont pas des forces hostiles qu’il accepte ou subit par tolérance ou politique, pour sauver par un compromis les débris de sa force : ce sont de vieilles voix amies qu’il reconnaît et salue avec joie, car il les a, bien des siècles déjà, entendu retentir dans les axiomes de sa raison libre et dans le cri de son cœur souffrant. C’est pour cela que dans tous les pays qui se sont lancés dans la voie nouvelle, les Juifs ont pris leur part, et non médiocre, plus vite que ne le font des affranchis de la veille, à toutes les grandes œuvres de la civilisation, dans le triple champ de la science, de l’art et de l’action.

Est-ce à dire que le Judaïsme ait à nourrir des rêves d’ambition, et doive songer à réaliser un jour cette « Église invisible de l’avenir » que quelques-uns appellent de leurs vœux. Ce serait une illusion de sectaire ou d’illuminé. Ce qui est vrai seulement, c’est que l’esprit juif peut agir encore dans le monde pour la science suprême et le progrès sans fin, et que le rôle de la Bible n’est pas achevé. La Bible n’est pas responsable du demi-avortement du Christianisme, dû aux compromis de ses organisateurs trop pressés de vaincre et de convertir le paganisme en se convertissant à lui : mais tout ce qui dans le Christianisme vient en droite ligne du Judaïsme vit et vivra, et c’est le Judaïsme qui par lui a jeté dans le vieux monde polythéiste, pour y fermenter jusqu’au bout des