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— Trop vilain ?

— Ce que je suppose avoir dit quelquefois. Trop vilain à faire savoir à la maison. »

Je ne puis exprimer le pathétique indicible de la contradiction qu’une telle bouche donnait à de telles paroles. Tout ce que je sais, c’est que, l’instant d’après, je déclarais, avec une énergie familière : « Sottises que tout cela ! » Mais bien vite je repris l’accent sévère qu’il fallait pour demander :

« Qu’étaient donc ces choses ? »

Ma sévérité allait tout entière à ses juges, ses bourreaux. Cependant elle le porta à me repousser de nouveau. À ce mouvement, d’un seul bond, avec un cri irrépressible, je sautai sur lui. Car là-bas, encore, derrière la vitre, comme pour flétrir sa confession et suspendre sa réponse, était le hideux auteur de notre misère, — la face pâle du damné. Devant cette négation de ma victoire, à ce recommencement de la bataille, un étourdissement me saisit : si bien que mon bondissement affolé me trahit complètement. Mais tandis que je me trahissais moi-même, je vis qu’il ne comprenait que par divination ce qui me troublait. Alors, bien convaincue que, même à cette heure, il en était réduit à deviner la scène, que la fenêtre demeurait toujours vide à ses yeux, je laissai ma secrète inspiration jaillir comme une flamme, afin d’arracher à l’apogée de son bouleversement la preuve même de sa délivrance.

« Jamais plus, jamais plus, jamais plus ! » criai-je à l’apparition, tandis que je m’efforçais de serrer l’enfant dans mes bras.

« Est-elle là ? »

Miles haletait. En dépit de ses yeux scellés, il avait compris le sens de mes paroles. Puis, cet étrange pronom, « elle », m’ayant bouleversée au point que, hors de moi, je le répétais, en écho : « Miss Jessel, miss Jessel ! » me cria-t-il, pris d’une soudaine fureur.

Stupéfaite, je saisis, tout à coup, ce qu’il voulait dire : il