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Il me lança un long et étrange regard :

« Tout ?

— Tout… Donc… avez-vous… »

Mais je ne pus répéter le mot.

Miles le fit, tout simplement.

« Non. Je n’ai pas volé. »

Il put lire sur mon visage que je le croyais absolument. Et cependant mes mains — mais c’était tendresse pure — le secouaient comme pour lui demander pourquoi, s’il n’y avait rien, il m’avait condamnée à ces mois de torture.

« Alors, qu’est-ce que vous avez fait ? »

Il regardait tout autour de lui, du plancher au plafond, avec une espèce de vague souffrance, puis il respira, avec effort, deux ou trois fois de suite. On l’aurait cru au fond de la mer, essayant de voir au travers du glauque crépuscule.

« Eh bien ! j’ai dit des choses…

— Et c’est tout ?

— On a trouvé que c’était suffisant.

— Pour vous renvoyer ? »

Vraiment jamais victime d’un renvoi ne se montra moins prodigue d’explications que cet étrange petit bonhomme ! Il sembla peser ma question, mais d’une façon tout à fait détachée, comme irresponsable.

« Eh bien ! je suppose que je n’aurais pas dû.

— Mais à qui les avez-vous dites ? »

Il essaya évidemment de se le rappeler, mais renonça, — il en avait perdu le souvenir.

« Je ne sais pas ! »

Il alla presque jusqu’à me sourire dans la désolation du sentiment de sa défaite. À la vérité, sa défaite était maintenant si achevée que j’aurais dû laisser les choses là. Mais j’étais ivre, aveuglée par la victoire, bien que, dès alors, sa conséquence même, loin de le rapprocher de moi, ne faisait qu’accentuer notre séparation.

« Était-ce à tout le monde ? demandai-je.