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et bien curieuse — impression qu’apparaissait en lui le premier symptôme de l’approche d’une certaine crainte. Il semblait qu’il eût, soudainement, peur de moi : et je pensai que c’était peut-être le meilleur sentiment à lui inspirer. Pourtant, dans l’angoisse même de mon effort, ce fut en vain que je tentai d’être dure, et — avec une douceur qui touchait au grotesque — je m’entendis prononcer :

« Vous désirez tant que cela sortir de nouveau ?

— Horriblement. » Et il me sourit héroïquement, son touchant courage d’enfant souligné par la subite rougeur qui révélait sa souffrance. Il avait ramassé son chapeau, qu’il avait apporté avec lui en entrant, et le tortillait d’une façon qui me remplit — au moment de toucher au port — d’une horreur perverse pour ce que je faisais : quelque moyen que j’employasse, je commettais un acte de violence, car que faisais-je, sinon pénétrer d’une idée de grossièreté et de culpabilité une petite créature sans défense qui m’avait révélé la possibilité de rapports délicieux ? N’y avait-il pas de la bassesse à créer dans cet être exquis un malaise absolument étranger à sa nature ? Je crois que je vois maintenant dans la situation une netteté qu’elle n’avait pas alors, car la lueur que je distingue dans nos pauvres yeux prophétisait une angoisse qui était encore à venir. Ainsi nous tournions dans un cercle, chargés de terreurs et de scrupules, lutteurs qui n’osaient pas en venir aux mains. Mais c’était pour l’autre que chacun craignait ! Cela nous laissa un peu plus longtemps dans l’attente et sans blessures.

« …Je vous dirai tout, dit Miles, je veux dire que je vous dirai tout ce que vous désirez. Vous resterez avec moi, et tout ira bien, et je vous dirai — oui, je vous dirai tout. Mais pas maintenant.

— Pourquoi pas maintenant ? »

Mon insistance le détourna de moi et le ramena une fois de plus à la fenêtre : un tel silence régnait entre nous qu’on eût entendu tomber une épingle. Puis, il vint de