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quelque chose puisse être fait pour vous qui en vaille davantage la peine. Il ne faut pas vous en étonner. »

Ma voix tremblait au point qu’il m’était impossible de le dissimuler.

« Ne vous rappelez-vous pas que je vous ai dit, le soir de l’orage, quand je suis venue m’asseoir sur le bord de votre lit, qu’il n’y avait rien dans le monde que je ne fisse pour vous ?

— Oui, oui. »

De plus en plus nerveux il devait maîtriser sa voix. Mais, plus habile que moi, il pouvait rire, en dépit de sa gravité, feignant que nous ne faisions que plaisanter.

« Oui… seulement, je croyais que vous me disiez cela pour arriver à me faire faire quelque chose pour vous.

— C’était, en partie, pour vous faire faire quelque chose, concédai-je, mais vous savez bien que vous n’en avez rien fait ?

— Ah oui ? — s’écria-t-il, avec une ardeur aussi vive qu’artificielle. — Vous désiriez que je vous dise quelque chose !

— C’est bien ça…, franchement et sans baraguigner : me dire ce qui vous tourmente, vous savez.

— Ah ! c’est donc pour cela que vous êtes restée ? »

Il parlait avec une gaieté à travers laquelle je saisissais encore une trace légère de colère et de rancune. Mais comment expliquer l’effet produit par l’implication — quelque éloignée qu’elle fût — de sa reddition ? C’était comme si ce que j’avais tant désiré ne fût enfin venu que pour m’étonner. « Eh bien ! oui, je puis l’avouer. C’est précisément pour cela. » Il demeura silencieux un si long temps que je supposai qu’il cherchait comment ruiner l’espérance sur laquelle je fondais ma conduite. Mais enfin, il dit, simplement :

« Vous voudriez que je vous le dise maintenant… ici ?

— Nous ne saurions trouver mieux, ni comme heure, ni comme lieu. »

Il regarda autour de lui avec malaise, et j’eus la rare —