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manquait ? Cela rendait son attitude anxieuse, bien qu’il se surveillât : il avait été mieux toute la journée, et, même à table, en dépit de ses gracieuses petites manières habituelles, il lui avait fallu tout son étrange génie enfantin pour masquer sa déconvenue. Quand enfin il se tourna vers moi, le génie semblait presque vaincu.

« Eh bien ! vraiment, je suis content que Bly me convienne, à moi !

— Vous me paraissez en avoir goûté, depuis vingt-quatre heures, pas plus mal que d’habitude. J’espère, continuai-je, bravement, que vous y avez pris plaisir.

— Oh ! oui, j’ai été loin, loin… à des lieues et des lieues d’ici. Je n’avais jamais été si libre. »

Vraiment, il avait un aplomb tout particulier, et je ne pouvais qu’essayer de me maintenir à son niveau.

« Eh bien ! aimez-vous cela ? »

Il sourit, puis, enfin, dans deux mots : « Êtes-vous ? » mit plus de profondeur que jamais je n’avais entendu mettre dans deux mots. Avant que j’eusse le temps de parer cette attaque, il continua comme s’il sentait avoir commis une impertinence qui devait être réparée :

« Rien ne peut être plus aimable que votre façon de prendre les choses : car naturellement, dans notre solitude de maintenant, c’est vous qui êtes le plus solitaire. Mais j’espère, ajouta-t-il, que cela vous importe peu.

— D’avoir affaire à vous ? demandai-je. Cher enfant, comment cela m’importerait-il peu ? Bien que j’aie renoncé à exiger votre compagnie, — vous me dépassez tellement, — j’en jouis, du moins, infiniment. Pour quelle autre raison resterais-je ? »

Il me regarda plus directement, et l’expression de son visage, devenue plus grave, me frappa comme la plus belle que j’eusse encore vue.

« Vous ne restez que pour cela ?

— Certainement. Je reste ici comme votre amie, et pour l’immense intérêt que je vous porte, jusqu’à ce que