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XXIII

Ce fut après son départ — elle me manqua, tout de suite — que la grande épreuve m’assaillit. Quoi que j’eusse espéré tirer de mon tête-à-tête avec Miles, je reconnus bien vite que j’en tirerais au moins un point de comparaison. De fait, aucune heure de mon séjour ne fut si chargée d’appréhension que celle où, étant descendue, j’appris que la voiture qui emmenait Mrs. Grose et ma plus jeune élève avait déjà passé la grille. Maintenant, me dis-je à moi-même, maintenant me voici face à face avec les éléments, et, pendant une grande partie de ce jour, tout en luttant contre ma faiblesse, je m’avouais à moi-même que je m’étais montrée bien téméraire. Le champ clos se rétrécissait autour de moi, et la situation me semblait d’autant plus menaçante que, pour la première fois, je voyais, sur d’autres visages, une réflexion confuse de la crise. Ce qui s’était passé répandait naturellement un vif étonnement : dans la soudaineté de la décision de ma compagne, nous n’avions pu expliquer que trop peu de choses, quelque peine que nous eussions prise. Hommes et femmes de service semblaient stupéfaits, et ma nervosité s’en aggrava d’autant, jusqu’au moment où je compris la nécessité de tirer de là, au contraire, un secours positif. En un mot, je n’évitai le naufrage total qu’en me cramponnant au gouvernail. Et je devins, ce matin-là, très hautaine et très sèche, simplement pour pouvoir supporter