Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/167

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je la retins :

« Si vous ne pouvez le supporter !…

— Vous vous demandez comment je pourrai rester auprès d’elle ? Eh bien, justement, pour cette raison : il faut l’emmener… Loin d’ici…, poursuivit-elle, loin d’eux…

— Elle pourrait être toute autre ? se libérer ? — Je la pressais, presque joyeusement. — En dépit de la journée d’hier, vous croyez… ?

— À ces « choses » là ? »

Ce terme simple, éclairé par l’expression de son visage, ne demandait pas d’autre développement, et elle se rendit, tout entière, comme jamais encore elle n’avait fait :

« J’y crois. »

Oui, j’étais joyeuse. De nouveau, nous nous sentions coude à coude. S’il m’était donné de poursuivre mon œuvre, assurée de sa confiance, peu m’importait ce qui pouvait arriver. Elle serait mon soutien devant le désastre, comme elle l’avait été en ces premières heures d’isolement où j’avais soif d’une confidente ; puisqu’elle répondait de ma loyauté, je répondais, moi, de tout le reste. Néanmoins, sur le point de prendre congé d’elle, je me sentis quelque peu embarrassée.

« Il y a une chose — cela me revient — qu’il ne faut pas oublier. Ma lettre — cette lettre où je donnais l’alarme — vous aura devancée. »

Alors je sentis, plus que jamais, combien elle avait, jusque-là, battu les buissons, et l’extrême lassitude qu’elle en éprouvait.

« Votre lettre ne m’aura pas devancée. Elle n’est pas partie.

— Qu’est-elle devenue, alors ?

— Dieu sait ! Master Miles…

— Voulez-vous dire qu’il l’a… prise ? » haletai-je.

Elle hésita d’abord, puis domina sa répugnance :

« Je veux dire qu’hier, en rentrant avec miss Flora, j’ai vu que votre lettre n’était plus là où vous l’aviez mise.