Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

« J’ai « entendu »…

— Entendu ?

— De la bouche de cette enfant… des horreurs ! Là ! — Elle exhala un soupir tragique. — Sur mon honneur, mademoiselle, elle dit des choses… »

Mais après cette évocation, elle tourna court : avec une soudaine exclamation, elle tomba sur mon canapé, et, ainsi que je lui avais déjà vu faire, s’abandonna, vaincue par l’angoisse.

Ce fut dans un tout autre sens que je me laissai aller, moi aussi.

« Que Dieu soit béni ! »

Elle se redressa vivement, gémissante, en essuyant ses yeux.

« Que Dieu soit béni ?

— C’est ma justification !

— C’est vrai, mademoiselle ! »

Je ne pouvais désirer un accent plus solennel, et cependant, j’attendais encore quelque chose.

« Elle est si horrible que cela ? »

Je voyais bien que ma collègue n’arrivait pas à formuler sa pensée.

« Tout à fait inconvenante.

— Et en parlant de moi ?

— En parlant de vous, mademoiselle. Je vous le dis, puisque vous m’interrogez. Cela dépasse tout ce que l’on peut rêver, venant d’une demoiselle. Et je me demande où elle a bien pu prendre…

— Ce langage effroyable qu’elle emploie à mon sujet ? Je peux vous le dire, moi ! » Et l’éclat de rire que je poussai était suffisamment significatif. Mais, à la vérité, il ne servit qu’à rendre mon amie plus grave encore.

« Eh bien, peut-être le pourrais-je aussi, puisque je l’ai entendu autrefois ; cependant, je ne peux pas le supporter, — continua la pauvre femme, tandis qu’elle jetait un regard sur ma montre, posée sur ma table à coiffer. — Mais il faut que je m’en aille. »