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de l’écroulement de ma propre situation ; je sentais, je voyais la livide miss Jessel, de sa position inexpugnable, précipiter ma défaite, et plus que tout, la stupéfiante petite attitude de Flora me fit instantanément mesurer ce qui m’attendait désormais. Et voici que Mrs. Grose, violemment et complètement, adoptait cette même attitude, se répandant en un torrent de paroles rassurantes et essoufflées, cependant qu’au fond de moi-même, à travers le sentiment de ma ruine, perçait celui de mon prodigieux triomphe personnel.

« Elle n’est pas là, chère petite demoiselle, personne n’est là, et vous ne voyez rien, pauvre chérie. Comment la pauvre miss Jessel pourrait-elle… puisqu’elle est morte et enterrée, la pauvre miss Jessel ? Nous le savons bien, nous, — n’est-ce pas, mon amour ? » — Et balbutiante, elle suppliait l’enfant. « Tout ça, c’est une erreur, c’est une blague, des histoires, et nous allons rentrer le plus vite que nous pourrons. »

Notre jeune compagne acquiesça à ceci avec son étrange sécheresse toute confite de convenance, et, de nouveau, — Mrs. Grose s’étant relevée, — je les voyais debout, unies, à ce qu’il semblait, contre moi, dans une scandaleuse opposition. Flora continuait à me fixer, avec son petit masque froid, dont toute affection avait disparu. Je l’ai déjà dit : littéralement, hideusement figée, elle était devenue commune, presque laide.

« Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je ne vois personne. Je ne vois rien. Je n’ai jamais rien vu. Je vous trouve méchante, je ne vous aime plus. »

Et, après cette sortie, qui aurait pu être le fait d’une impertinente et vulgaire petite fille des rues, elle étreignit Mrs. Grose plus fort et enfouit dans ses jupes son horrible petit visage. De cet asile, elle éclata en une lamentation presque furieuse.

« Emmenez-moi, emmenez-moi, oh ! emmenez-moi loin d’elle !

— Loin de moi ? demandai-je, haletante.