Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/149

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ma compagne jeta un regard stupéfait à la place — vide en effet — où, d’habitude, la vieille barque était attachée. Puis elle le reporta sur le lac.

« Où serait-il donc ?

— La preuve la plus manifeste qu’elle l’a pris est que nous ne le voyons pas. Elle l’a pris pour traverser, et puis, a réussi à le cacher.

— Cette enfant ?… à elle seule ?

— Elle n’est pas seule et, à de tels instants, elle n’est pas une enfant : elle est une vieille, très vieille femme. »

J’inspectai toute la berge alors visible, tandis que Mrs. Grose faisait de nouveau un de ses habituels plongeons obéissants dans l’élément bizarre que je lui présentais. Je suggérai que le bateau avait pu trouver refuge dans un coin caché de l’étang, une dentelure, masquée, du côté où nous étions, par la projection de la berge, et un bouquet d’arbres qui s’élevait tout près de l’eau.

« Mais si le bateau est là, où peut-elle être, pour l’amour du ciel ? me demanda anxieusement ma collègue.

— C’est justement ce que nous avons à découvrir. »

Et je me remis en marche.

« Vous allez faire tout le tour du lac ?

— Certainement, quelque long que ce puisse être. D’ailleurs, cela ne nous prendra que dix minutes. Cependant, cela a pu paraître assez loin à la petite pour qu’elle ait préféré ne pas marcher. Elle a traversé tout droit.

— La la la la ! » s’écria de nouveau mon amie : l’impitoyable chaîne de ma logique lui était trop dure. Cependant, je continuai à la tirer derrière moi, prisonnière docile, et lorsque nous fûmes à mi-chemin du but, — l’entreprise était fatigante, nous ne pouvions marcher droit sur ce terrain inégal, dans un sentier encombré de broussailles, — je m’arrêtai pour lui laisser reprendre haleine. Je lui prêtai le support d’un bras reconnaissant, lui répétant qu’elle me serait d’un grand secours : et ceci nous fit si bien repartir de nouveau, qu’au bout de