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soit bien grande nulle part. Mais ce qui me paraît le plus vraisemblable, c’est qu’elle soit à l’endroit d’où, l’autre jour, nous avons vu, ensemble, ce que je vous ai raconté.

— Quand elle prétendit ne pas voir ?…

— Avec quelle étonnante maîtrise d’elle-même ! J’ai toujours été convaincue qu’elle désirait y retourner seule. Et son frère a arrangé les choses pour elle. »

Mrs. Grose restait toujours là où elle s’était arrêtée.

« Vous croyez que vraiment « ils » en parlent ? »

À ceci, je pouvais répondre avec assurance.

« Ils disent des choses, qui, si nous pouvions les entendre, nous feraient frémir, tout simplement.

— Et si Flora est là ?

— Oui ?

— Alors… miss Jessel y est ?

— Sans aucun doute, vous verrez.

— Oh ! merci beaucoup ! » s’écria mon amie, tellement enracinée au sol, que, renonçant à l’ébranler, je continuai ma route sans l’attendre. Mais, lorsque j’atteignis l’étang, elle était là, tout près de moi, et je compris que, malgré l’appréhension qui la possédait du danger que je pouvais courir, le risque auquel elle s’exposait en s’attachant à mes pas lui semblait encore un moindre danger. Elle exhala un soupir de soulagement quand, à la fin, ayant embrassé du regard la plus grande partie de l’étang, nous n’aperçûmes nulle part l’enfant que nous cherchions. Aucune trace de Flora sur cette berge la plus proche, là où elle m’avait fourni l’occasion de ma plus saisissante observation ; pas davantage à l’autre bord, où, sauf sur un espace d’une vingtaine de mètres, d’épaisses broussailles descendaient jusque dans l’eau. Cette extrémité du lac, de forme oblongue, était si étroite, par rapport à sa longueur, que, les deux bouts hors de vue, on aurait pu croire qu’il y avait là une petite rivière. Nous regardâmes cet espace vide, et je sentis qu’une suggestion me venait des yeux de mon amie. Je compris, mais je secouai la tête : « Non, non, attendez : elle a pris le bateau. »