Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/141

Cette page n’a pas encore été corrigée

XIX

Le lendemain, nos leçons terminées, Mrs. Grose trouva un moment pour venir me demander doucement : « Avez-vous écrit, mademoiselle ?

— Oui, j’ai écrit. »

Mais je n’ajoutai pas — pour le moment — que ma lettre, adressée et cachetée, était encore dans ma poche. J’avais du temps devant moi avant que le messager vînt prendre le courrier. Du reste, jamais mes élèves n’avaient montré plus de sagesse, plus de zèle que ce matin-là. C’était exactement comme si tous deux avaient à cœur d’effacer la trace d’une querelle récente. Ils accomplissaient des tours de force d’arithmétique, planant bien au-dessus de mon humble sphère, et perpétraient, d’humeur plus joyeuse que jamais, leurs farces historiques et géographiques. Bien entendu, c’était particulièrement Miles qui semblait vouloir me montrer combien il pouvait facilement me dépasser. Dans mes souvenirs, cet enfant vit vraiment dans une atmosphère de beauté et de détresse qu’aucune parole ne saurait traduire ; une distinction qui n’appartenait qu’à lui se révélait à chacune de ses initiatives. Jamais petite créature humaine — paraissant toute franchise et liberté aux yeux mal informés — ne fut, au fond, un plus extraordinaire et plus ingénieux homme du monde. Il me fallait perpétuellement me tenir en garde contre l’émerveillement de le contempler où m’entraînait