Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée

compris : puis, le plus doucement du monde : « … que vous me laissiez tranquille », dit-il.

Il y mettait jusqu’à une étrange petite dignité, quelque chose qui me contraignit à me lever, et cependant, lorsque je fus debout, me retint encore près de lui. Dieu sait que je ne voulais pas le persécuter, mais je sentais que lui tourner le dos, après sa petite phrase, c’était l’abandonner, ou, plus exactement, le perdre.

« Je viens de commencer une lettre à votre oncle, dis-je.

— Eh bien, finissez-la, maintenant. »

J’attendis une minute.

« Qu’était-il arrivé avant ? »

Il leva les yeux sur moi :

« Avant quoi ?

— Avant votre retour ici. Et avant votre départ, aussi. »

Il garda quelque temps le silence, mais ne me quitta pas des yeux.

« Ce qui était arrivé ? »

Elle m’émut à un tel point, l’intonation de ces mots, où il me sembla pour la première fois reconnaître la faible, la mince palpitation d’une conscience renaissante, — elle m’émut à un tel point que je tombai à genoux près du lit, jouant ma dernière chance de le reprendre jamais :

« Cher petit Miles, cher petit Miles, si vous saviez combien je désire vous aider ! Mais cela, cela seulement, et j’aimerais mieux mourir que vous faire de la peine, ou un tort, j’aimerais mieux mourir que toucher un cheveu de votre tête sans votre aveu. Cher petit Miles, — oui, je m’avançai jusque-là, dussent les bornes être dépassées, — ce que je veux, c’est que vous m’aidiez à vous sauver ! »

Mais, l’instant d’après, je savais que j’avais été trop loin. Je reçus instantanément une réponse à mon appel, mais elle vint sous la forme d’un souffle formidable, d’une bouffée d’air glacé et d’une secousse de toute la chambre, comme si, cédant au vent sauvage, la fenêtre s’y fût abattue.