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qu’une grande personne à me comprendre, bien qu’une ombre légère, répandue sur son visage, révélât son trouble intérieur. Cette secrète précocité, — ou quoi que ce fût que j’appelais de ce nom, et qui n’était, à proprement parler, que son empoisonnement par une influence que je n’osais nommer qu’à demi, — m’obligeait à le traiter comme un égal — et un égal intelligent.

« Je pensais que vous préfériez que les choses en restassent là », continuai-je.

Il me sembla le voir rougir — très légèrement. En tout cas, ainsi qu’un convalescent fatigué, il secoua languissamment la tête.

« Mais non, mais non… j’ai envie de m’en aller.

— Vous avez assez de Bly ?

— Oh non ! J’aime Bly.

— Alors…

— Oh ! vous savez bien, vous, ce qu’il faut à un garçon ! »

Je sentis que je ne le savais pas si bien que Miles et me réfugiai provisoirement à l’abri de cette question :

« Vous désirez aller chez votre oncle ? »

À ces mots, il remua de nouveau sa tête sur l’oreiller, son doux visage toujours ironique.

« Ah ! vous ne vous en tirerez pas comme ça ! »

Je gardai le silence, et ce fut alors moi, je crois, qui changeai de couleur.

« Mon chéri, je n’ai pas envie de m’en tirer !

— Vous ne le pouvez pas, même si vous en avez envie. Vous ne le pouvez pas, vous ne le pouvez pas ! »

Ah ! ces grands yeux rêveurs, dans ce petit corps allongé !

« Il faut que mon oncle vienne, et que vous régliez tout avec lui.

— Si nous faisons cela, répliquai-je, avec une certaine audace, soyez sûr qu’on vous éloignera tout à fait d’ici.

— Eh bien ! ne comprenez-vous pas que c’est à quoi je travaille ? exactement ? Vous serez obligée de lui dire la