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le rendait, à ce moment, aussi pitoyable qu’un pensif petit malade d’hôpital d’enfants : et quand cette similitude me vint à l’esprit, je pensai que je donnerais volontiers tout ce que je possédais au monde, pour être, pour de bon, l’infirmière ou la sœur de charité qui aiderait à le guérir… Allons ! peut-être arriverais-je tout de même à quelque chose !

« Savez-vous bien que vous ne m’avez jamais dit un mot de votre école ? J’entends l’ancienne ; que jamais, à aucun propos, vous ne m’en avez parlé ? »

Il sembla s’en étonner, rêveusement, et continua de garder son charmant sourire. Évidemment, il voulait gagner du temps. Il attendait, il espérait d’être guidé, entraîné.

« N’en ai-je jamais parlé, vraiment ? »

Non, ce n’était pas à moi de l’aider, maintenant : c’était à « l’autre ».

Quelque chose dans son ton et l’expression de son visage, tandis que je l’écoutais, m’avait percé le cœur d’une souffrance nouvelle ; indiciblement touchant était le spectacle de son petit cerveau tourmenté et la mise en œuvre de tous ses petits moyens pour jouer — sous la contrainte de l’envoûtement qui pesait sur lui — un rôle d’innocence et de logique.

« Mais non, jamais. À partir du moment où vous êtes arrivé, jamais vous n’avez prononcé le nom d’un maître, d’un camarade, jamais raconté la moindre chose qui vous serait arrivé au collège. Jamais, mon petit Miles, non, jamais, vous ne m’avez donné la moindre indication sur rien de ce qui a pu vous y arriver. Vous pouvez donc vous imaginer mon ignorance à ce sujet. Avant votre confidence de ce matin, je ne vous ai jamais entendu faire la moindre allusion à aucun événement de votre existence, précédant votre arrivée ici. Vous sembliez accepter si parfaitement le temps présent. »

C’était extraordinaire comme ma conviction absolue de sa secrète précocité le rendait, à mes yeux, aussi apte