J’entends encore la brave femme, l’accent de sa stupeur candide.
« Qu’elle souffre les tourments… »
À ce trait, elle reconstitua tout le tableau — et blêmit.
« Voulez-vous dire, murmura-t-elle, les tourments des âmes… perdues ?
— Des âmes perdues. Damnées. Et c’est pour les lui faire partager, oui, c’est pour cela… »
À mon tour, d’horreur, la voix me manqua. Ma compagne, douée de moins d’imagination, me soutint : « Pour les lui faire partager ?…
— … qu’elle veut Flora. »
À ces mots, Mrs. Grose m’aurait échappé, si je ne m’y fusse attendue. Mais je la maintins sur place, lui prouvant ma prévision.
« Ainsi que je vous l’ai dit, cela importe peu.
— Parce que vous avez pris votre parti ? Lequel.
— Je suis prête à tout.
— Qu’appelez-vous « tout » ?
— Mais, faire venir ici leur oncle.
— Ah ! mademoiselle, faites-le, par pitié, s’exclama mon amie.
— Je le ferai, oui, je le ferai. C’est mon unique branche de salut. Je vous ai déclaré tout à l’heure : tout est dit entre Miles et moi. Eh bien ! après la conversation que nous avons eue tous deux, si Miles croit que j’ai peur de faire venir son oncle, — et s’il se fait des idées sur ce qu’il gagne à cela, — il verra qu’il se trompe. Oui, oui, son oncle entendra de ma bouche, ici même, — devant le petit, si c’est nécessaire, — que s’il y a un reproche à m’adresser pour ne m’être pas préoccupée de cette question d’une nouvelle école…
— Oui, mademoiselle… et alors ? insista ma compagne.
— Eh bien ! c’est à cause de cette horrible raison. »
Il y en avait tant, maintenant, de ces horribles raisons, que ma compagne était excusable de demeurer dans le vague.