Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Qu’avez-vous été faire, vilaine, méchante ? Était-ce vraiment pour nous tourmenter, — et nous causer des distractions, vous savez, — que vous nous avez abandonnés, juste à la porte ? » Ces questions, je ne pouvais les affronter, ni, pendant qu’ils les posaient, leurs beaux yeux menteurs ; cependant, tout cela, c’était si exactement ce que j’aurais à affronter que, devant l’image trop nette que mon esprit se représentait, je cédai enfin à mon désir : je partis.

Je partis, en tant qu’il s’agissait du moment présent. Je sortis du cimetière, et, réfléchissant profondément, je repris le même chemin qu’à l’aller, à travers le parc. Lorsque j’eus atteint la maison, il me sembla que mon parti était pris d’exécuter mon cynique projet de départ. Le calme dominical qui régnait, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du château, où je ne rencontrai personne, me frappa comme m’offrant une occasion unique. Si, à cette heure, je partais rapidement, je disparaissais sans une scène, sans un mot… Mais il me fallait déployer une rapidité merveilleuse, et puis la question de l’indispensable véhicule était la plus difficile à résoudre. Dans le hall, anxieuse et tourmentée par les obstacles et les difficultés, je le laissai tomber, épuisée, sur la première marche de l’escalier ; puis, par une violente réaction, je me rappelai que c’était là, exactement, — plus d’un mois auparavant, dans les ténèbres de la nuit, et courbée, de même, sous le poids des pensées mauvaises, — que j’avais vu le spectre de la plus horrible des femmes. Alors cela me redressa : je finis de monter les marches du premier étage, je me dirigeai, en proie à un étrange bouleversement, vers la salle d’études, où il y avait des objets à moi que je désirais prendre. J’ouvris la porte : en un éclair, une fois de plus, mes yeux se dessillèrent. Devant le spectacle qui m’accueillit, je vacillai, mais pour me reprendre aussitôt. Assise à ma propre table, dans la claire lumière de midi, je vis une personne que, sans mon expérience antérieure, j’aurais prise, au premier moment, pour une servante