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— Rien du tout, dis-je. Mais, marchons, maintenant. »

Il reprit sa marche auprès de moi, passant son bras sous le mien.

« Alors, quand donc dois-je retourner au collège ? »

Je pris mon air le plus soucieux, en réfléchissant à sa demande.

« Étiez-vous très heureux au collège ? »

Il réfléchit un instant.

« Oh ! je me trouve assez bien partout !

— Eh bien ! alors, — ma voix tremblait malgré moi, — si vous êtes aussi content ici qu’ailleurs…

— Ah ! mais ce n’est pas tout ! Bien entendu, vous savez un tas de choses…

— Mais vous voulez dire que vous en savez presque autant ? risquai-je, tandis qu’il s’arrêtait.

— Je ne sais pas la moitié de ce que je voudrais savoir, avoua Miles honnêtement. Mais ce n’est pas tant cela.

— Qu’est-ce que c’est, alors ?

— Eh bien ! … je voudrais voir davantage de la vie.

— Je vois, je vois. »

Nous étions arrivés en vue de l’église et de plusieurs personnes, parmi lesquelles quelques membres de la domesticité de Bly qui s’y rendaient, et se groupaient près de la porte pour nous voir entrer. Je hâtai le pas : je voulais y arriver avant que la question ne devînt trop embarrassante. Je savais bien qu’une fois là, il aurait à garder le silence pendant une heure. Je pensais avec envie à l’ombre relative de notre banc clos, et au secours presque spirituel que m’apporterait le coussin où s’appuieraient mes genoux. Il me semblait littéralement que je lui disputais une course désespérée, mais je sentis qu’il arrivait bon premier, quand, avant d’entrer dans le cimetière qui précédait l’église, il me jeta ces mots :

« J’ai besoin de mes pareils ! »

Cela me fit littéralement bondir.

« Il n’y a guère de vos pareils, Miles, dis-je en riant. Excepté la petite Flora chérie, peut-être.