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impression d’indépendance, de droits qu’exigeaient son sexe et sa situation, qu’eût-il réclamé sa liberté, je n’aurais rien eu à dire. Par la plus étrange des coïncidences, j’étais en train de me demander comment je pourrais lui résister, lorsque, à ne pouvoir s’y tromper, la révolution se produisit. Je l’appelle « révolution » parce que je vois maintenant comment, avec les mots qu’il prononça, le rideau se leva sur le dernier acte de mon terrible drame, et, dès lors, la catastrophe se précipita.

« Dites-moi, ma chère, débuta-t-il gentiment, quand diable vais-je retourner au collège ? »

Transcrite ici, la phrase paraît assez inoffensive, d’autant plus qu’elle était prononcée avec le timbre clair et caressant grâce auquel ses intonations semblaient autant de roses négligemment jetées à son interlocuteur — surtout lorsque son interlocuteur était son éternelle institutrice. — Elles avaient quelque chose de « prenant », et, de fait, je fus alors tellement saisie, que je m’arrêtai court, comme si l’un des arbres du parc se fût abattu en travers de la route. Quelque chose de nouveau venait de surgir là, entre nous, et il se rendait parfaitement compte que je le comprenais, bien que, pour ce faire, il n’eût pas besoin d’abandonner un atome de sa candeur et de sa séduction habituelles. Je sentais déjà, rien qu’en ne trouvant rien à lui répliquer immédiatement, qu’il jouissait de l’avantage gagné. J’étais si lente à trouver n’importe quoi à dire, qu’il eut tout le temps, après une minute écoulée, de continuer, avec son sourire suggestif, mais indulgent : « Vous savez, ma chère, que d’être toujours seul avec une dame… » Il avait toujours ce « ma chère » sur les lèvres, en s’adressant à moi, et rien ne pouvait exprimer plus exactement la nuance du sentiment que je désirais inspirer à mes élèves, que ce terme de tendre familiarité. C’était si librement respectueux !

Mais, mon Dieu ! comme je sentais qu’il me fallait maintenant peser mes paroles ! je me rappelle que, pour