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rend à une femme son hommage le plus flatteur a tendance à n’être que l’accomplissement souriant d’une des lois sacrées de son confort personnel. Ainsi j’étais persuadée que je restais fidèle à ma promesse de ne jamais le troubler en donnant à entendre à nos jeunes amis que leurs lettres n’étaient que d’aimables exercices littéraires : elles étaient trop jolies pour être mises à la poste. Je les conservais pour moi ; je les possède encore toutes, à cette heure. Cette règle que je m’étais imposée ne servait qu’à augmenter l’effet satirique de leur perpétuelle supposition, qu’à tout instant il pouvait apparaître au milieu de nous. C’était exactement comme si nos jeunes camarades se rendaient compte du point auquel une telle visite, plus que tout le reste, aurait été embarrassante pour moi.

D’ailleurs, regardant en arrière, rien ne me paraît plus extraordinaire que le simple fait de n’avoir jamais perdu patience avec eux, en dépit de mes nerfs tendus et de leur triomphe latent. Adorables, oui, vraiment, ils devaient l’être, je le sens maintenant, puisqu’en ces jours passés je ne les haïssais point. Cependant, si le soulagement ne fût point survenu, mon exaspération, à la longue, ne m’eût-elle pas trahie ? Ceci importe peu, car le soulagement vint. Je le nomme « soulagement », bien que ce ne fût que celui que procure la rupture d’une corde trop tendue, ou le coup de tonnerre, un jour d’orage. Enfin, au moins, c’était un changement : et il arriva comme un éclair.