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un des grands dangers de l’esprit chrétien, et il explique en partie l’infériorité des catholiques, dans la lutte qu’ils soutiennent contre leurs adversaires politiques ou leurs détracteurs philosophiques.

Mme  Pioutte était revenue de Toulouse en même temps que son frère. La vie au grand air avait comme ressuscité Virginie, et elle arrivait de la campagne, avec un air de santé qu’elle n’avait pas eu jusqu’alors, les joues hâlées et fraîches, les yeux plus vifs, la physionomie moins mélancolique et moins languissante. Elle fut tout étonnée de trouver Augulanty ancré dans la maison de Cécile.

— Tiens, fit-elle, vous avez hérité d’Augulanty ? Vous manquiez de meubles ?

— Ma foi, répondit Cécile, avec son calme sourire, mon mari s’entend très bien avec lui et le tient en grande estime… Moi, tu sais, tout m’est égal !… D’ailleurs,. c’est un assez joli garçon…

— C’est possible. Je ne l’ai jamais beaucoup regardé…

— Et tu sais, il parle très souvent de toi. Il s’intéresse beaucoup à ta santé…

— Fort bien. Mais moi, je ne m’intéresse pas du tout à lui. Il a quelque chose de déplaisant. Je ne m’explique pas trop quoi, par exemple ! On dirait qu’il a gardé un peu de l’allure du coiffeur qu’était son père. Et puis, il est trop aimable, — et pas naturellement. Il a toujours l’air d’avoir à vous demander un service ou de l’argent… Oui, c’est cela, il a la politesse d’un mendiant.

Virginie eut cependant l’occasion de voir fréquemment l’économe chez les Caillandre. D’ailleurs, M. Augulanty se mettait en frais d’élégance. Il avait fait tomber sa grande barbe qui donnait à sa physionomie quelque chose d’inculte, mais d’expressif. Avec la perte de cet ornement, son visage s’affadissait davantage. Cette face pâle et rose semblait plus molle encore que jamais. On avait envie d’y mettre la main, de la pétrir, d’en faire un masque énergique, de lui enlever cet air humble, bénin, plus servile que serviable, trop câlin, trop affectueux, trop doux.

Augulanty ne venait jamais chez Cécile sans lui offrir des fleurs, il portait des souliers vernis. Augulanty faisait ses visites en redingote et se mettait des cravates