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hauteur. Le côté anglomane du nouveau collège ne pouvait manquer d’attirer le snobisme de la population. Avec un tel programme, l’école Saint-Louis-de-Gonzague ferait une concurrence sérieuse aux autres institutions de la ville. Augulanty aurait le premier pensionnat libre de Marseille, une jeune femme fort jolie, il serait riche et considéré. Sa compétence en matière pédagogique une fois reconnue, il se proposait d’écrire divers volumes savants et de devenir membre correspondant de l’Institut, ou quelque autre chose de ce genre. Mais il fallait épouser Virginie ! Et M. Augulanty savait pertinemment que l’ambitieuse Mme Pioutte ne consentirait jamais à ce qu’elle se mariât avec un simple collaborateur de son frère. Aussi tenait-il beaucoup à surprendre en faute la sœur de l’abbé et à connaître un secret qui lui permettrait d’obliger Mme Pioutte à donner son consentement qu’elle eût toujours refusé.

Par une pluie diluvienne, le 1er  octobre, les élèves effectuèrent pieusement leur rentrée à l’école Saint-Louis-de-Gonzague. Ils étaient aussi nombreux que l’année précédente, mais les enfants riches et payants avaient diminué, tandis que les descendants de familles pauvres et pieuses, acceptés gratuitement ou pour une somme dérisoire, augmentaient en proportion. L’année ne s’annonçait pas d’une façon brillante, comme l’abbé Barbaroux l’expliquait, peu après, à M. Augulanty.

— Enfin, dit le prêtre en concluant, j’ai tort de me plaindre. Il ne faut jamais désespérer. La confiance en Dieu est le premier des dons, et celui-là, je l’ai pleinement. Dieu ne m’abandonnera pas, je le sais. C’est pour lui que je travaille, et non pour moi. Il ne permettra pas plus longtemps que tant d’enfants soient élevés loin de lui, dans l’ignorance ou le mépris de ses saintes lois…

Cette confiance en Dieu, que l’abbé Barbaroux appelait le premier des dons, lui causait cependant le plus grand tort. Car, persuadé que tout s’arrangerait par l’intervention divine, il ne voulait pas comprendre que le succès de son pensionnat dépendait aussi de causes matérielles, qu’il était dans son pouvoir de modifier.

Ce fatalisme mystique est, au point de vue social,