d’impatience, s’énerva, souffrit toutes les angoisses de l’attente et guetta, chaque jour, la venue du facteur, avec des battements de cœur. Quand elle arriva enfin, Augulanty déchira l’enveloppe avec fièvre, comme si son destin se dissimulait dans ce grand carré de papier jaune. Dès les premières lignes qu’il parcourut, il devint rouge de plaisir, et la lettre trembla au bout de ses doigts. La joie et l’orgueil, l’espoir et le désir l’enivraient comme un élixir divin. Badiez l’informait qu’après une sérieuse enquête, où une femme l’avait aidé, il venait de découvrir, grâce à elle, que Pioutte avait depuis six mois fait au moins dix mille francs de dépenses, qu’il s’était mis dans ses meubles, monté un atelier fort élégant, avait donné le jour à un rejeton et qu’il devait même épouser sa maîtresse, qui était aussi celle de beaucoup d’autres. Du moins, le bruit de ce mariage courait. Badiez donnait aussi divers renseignements fort curieux sur la personnalité de Mlle Clémentine Jouve.
Cette fois, Augulanty voyait s’éclaircir définitivement, devant ses yeux, cette situation bizarre. Mme Pioutte n’ignorait pas que son fils avait une maîtresse, et, dans sa terreur que l’abbé l’apprît, elle avait donné à Charles tout l’argent qu’il avait demandé, sans doute pour indemniser la femme et pouvoir la quitter.
En sortant de chez lui, Augulanty marcha en triomphateur. Il épouserait Virginie, il succéderait à l’abbé Barbaroux. Il se livra à la griserie mensongère et facile des rêves heureux. Il comptait relever le pensionnat Saint-Louis-de-Gonzague et en faire une école modèle. Avec de l’intelligence et des matériaux, il pouvait y réussir.
M. Augulanty formait le plan de fonder un établissement comparable au collège Stanislas. Avoir une organisation ecclésiastique et des professeurs de lycée, unifier la grande question de la pédagogie contemporaine, concilier l’instruction et l’éducation, tels étaient les principaux points de son projet. Il avait décidé d’ajouter à cela un système de sports anglais, de diminuer les heures de travail et d’établir dans de vastes cours des parties de lawn-tennis, de foot-ball, de courses à pied, de sauts en