gérant ainsi l’idée qu’il se faisait de son devoir. Il ne l’osait. Et il lui fallait demeurer muet devant un spectacle qu’il jugeait horrible.
Mais en redoutant la catastrophe qu’il prophétisait intérieurement et que, sans se l’avouer, il désirait peut-être du fond du cœur, il se flattait de prendre la succession de l’abbé Barbaroux et de diriger à son tour l’école Saint-Louis-de-Gonzague. Ce qu’un prêtre avait commencé, un autre prêtre ne devait-il pas le continuer ? L’esprit du pensionnat resterait le même. D’ailleurs, en formulant ce projet dans le secret de sa conscience, l’abbé Mathenot n’était pas mû par les raisons d’intérêt exclusivement personnel qui actionnaient Augulanty. Ou plutôt, comme le font en pareil cas tant de personnes très religieuses, il ne séparait pas son intérêt propre de celui de Dieu. Il eût volontiers cédé le pensionnat à un autre prêtre, à condition qu’il fût aussi vertueux que l’abbé Barbaroux, mais il tremblait de le voir tomber entre les mains d’un laïque qui y laisserait pénétrer l’esprit du siècle, ce détestable souffle de science, d’incrédulité et de révolte, qui corrompait tant d’âmes faibles et détournait tant d’hommes de leur salut. Il était intimement persuadé que lui seul conserverait à l’école Saint-Louis-de-Gonzague ces traditions chrétiennes, qui en assuraient le succès moral. Et il s’intéressait certainement moins à son sort qu’à celui des enfants qu’il espérait sauver ainsi.
La haine rend clairvoyant. L’abbé Mathenot soupçonna M. Augulanty d’être un intrigant et un hypocrite, qui comptait, lui aussi, s’emparer de l’école. Avec quelle rage secrète, quelle indignation ne vit-il pas Barbaroux donner dans les pièges grossiers de l’économe ! Il n’eût pas été plus exaspéré si le vieux directeur se fût confié à Satan. Augulanty l’accaparerait, un jour, ce collège tant désiré ! Ce serait une défaite pour Mathenot, mais c’en serait aussi une pour Dieu !
Lorsque le prêtre, espionnant Augulanty au mariage de Cécile, l’aperçut qui s’empressait aux côtés de Virginie, il comprit le plan de l’économe, et l’avenir lui parut plus redoutable. Augulanty, neveu de l’abbé Barbaroux, lui succéderait infailliblement. Les femmes ! Toujours