son mari. Mais ce profond diplomate se garda bien de chercher à la voir, à lui parler, à la rencontrer. Il parut même l’éviter.
Il y avait pourtant un homme que M. Augulanty n’avait pu séduire, c’était l’abbé Mathenot. Ce grand prêtre sombre, brusque, intolérant, avait gardé des paysans dont il était le fils une méfiance obstinée et têtue. De plus, Augulanty lui était antipathique, avant même qu’il l’ait vu. En effet, à la mort du dernier économe, Mathenot avait désiré sa succession à laquelle son état lui donnait quelque droit. Barbaroux y pensa. Mais sa sœur le dissuada de ce projet en lui représentant le mauvais effet que produirait sur les parents un sous-directeur cassant, indomptable et sans largeur d’esprit. Ce fut donc avec une sorte d’animosité que Mathenot vit paraître cet intrus d’Augulanty. Toutes les bonnes grâces du nouveau venu et l’étalage de sa dévotion ne purent que renfoncer le prêtre dans sa sauvagerie, comme un sanglier dans sa bauge.
M. Augulanty étudia longuement Mathenot et se convainquit que ce personnage taciturne, morne et pieux, n’était qu’un mystique et qu’un imbécile. Il cessa de s’occuper de lui. Les hommes les plus remarquables ont de ces erreurs, qu’ils payent souvent fort cher. Augulanty tint Mathenot pour un sot. Et cela devait, en grande partie, détruire toutes ses combinaisons.
L’abbé Mathenot, qui n’avait pu rester dans aucune paroisse, à cause de son esprit indépendant et révolté, et qui s’était forgé professeur pour être libre, avait un culte secret pour son directeur. Peu expansif, il cacha avec soin l’affection, l’ardente estime et le dévouement qu’il se sentait au cœur pour l’abbé Barbaroux. Mais autant il aimait le vieux prêtre dont il vénérait le caractère si profondément religieux, l’austérité et le sacrifice constant à son œuvre, autant il haïssait Mme Pioutte et ses filles. Elles incarnaient pour lui ce qu’il abhorrait le plus au monde : toutes les séductions de la femme. Il lui semblait qu’un peu de l’enfer pénétrait avec elles. Il voyait avec horreur et perspicacité les Pioutte entraîner l’abbé à sa ruine, il aurait voulu l’avertir, lui crier : « Casse-cou ! », l’aviser du danger qu’il courait en s’exa-