vanta la jeune mariée, cette femme si chrétienne, élevée pieusement par une sainte mère, qui était, selon lui, la femme forte dont parle l’Écriture, et qui avait su trouver dans l’adversité le courage et la sérénité que la religion donne aux âmes fortes ; il loua M. Caillandre, ce cœur noble et généreux, qui ne battait que pour les grandes causes, cet esprit élevé, sans cesse tourné vers l’idéal, ce courageux soldat de la phalange du Christ, qui trouvait encore le temps de s’intéresser aux bonnes œuvres, malgré le poste de haute confiance dont il était chargé. Il célébra l’abbé Barbaroux, oncle de la mariée, ce grand caractère dont tous les catholiques connaissaient le nom et célébraient les vertus, cet austère fondateur d’une école qui, depuis trente ans, déversait sur le monde une glorieuse armée d’hommes dignes, religieux et dont le caractère bien trempé et le cœur d’acier contrastaient si violemment avec la mollesse et la lâcheté qui sont la honte de notre époque aveulie.
Le repas de noces eut lieu dans un des restaurants spécialement destinés à ces sortes de cérémonies. Par égard pour eux, l’abbé avait tenu à inviter ses professeurs. D’ailleurs, il ne lui restait plus aucune famille. Les parents de M. Pioutte étaient représentés par quelques cousins. Par contre, Caillandre et les Farnarier amenaient une foule énorme. Ils se présentèrent, suivis d’une tribu de ces parents humbles, gauches, vulgaires, fagotés, que l’on ne sort que pour les mariages et que l’on voudrait tant cacher alors, toute une kyrielle d’oncles, de tantes, de cousins, bruyants, affamés, sanglés dans des redingotes de 1860 ou des corsages éclatants, et qui emplirent les vastes pièces de leurs grands gestes, de leurs gros rires, de leur accent provençal, de leurs figures expressives, agitées par la sauvagerie de leur conversation. Le repas les calma ; ils cessèrent de parler. Ils se jetèrent sur les mets comme s’ils jeûnaient depuis plusieurs jours ; beaucoup n’avaient rien pris le matin pour avoir l’estomac plus libre. La présence, sur la longue table blanche, de plats qu’ils ne pouvaient savourer que lorsqu’un mariage se faisait dans leur famille oblitéra toutes celles de leurs facultés qui n’étaient pas masticatives.