de répéter les mêmes choses. Ce sujet de conversation offre, il me semble, peu d’intérêt…
— S’il en offre peu pour toi, Cécile, il en offre beaucoup pour moi ! — Mme Pioutte prit une voix plus calme pour continuer : « Je peux mourir d’un moment à l’autre, Cécile, — avec mon déplorable état de santé, tout est possible, — je ne veux pas te laisser seule dans la vie. Écoute, ma fille, je connais ton caractère. Tu es très entêtée. Tu te buttes maintenant par caprice. Tu as eu, je ne sais pourquoi, un parti pris contre M. Caillandre, dès que tu as su son nom et son emploi. Tu t’es mis dans la tête de ne pas l’épouser. Ce n’est pas sérieux. J’entends faire ton bonheur malgré toi. Crois-en ma vieille expérience. Tu seras heureuse avec Louis Caillandre et tu me remercieras, plus tard, d’avoir tant insisté. Il se peut que je te fatigue à présent, mais un jour viendra où tu me seras reconnaissante de n’avoir pas craint de te fatiguer… Mon Dieu, je sais bien, quand on est jeune, on se fait beaucoup d’idées fausses, on croit que la vie est une chose agréable, riche, facile. La vie n’est pas un roman, ma pauvre enfant ! Elle est plate, grise, médiocre. Nous n’y pouvons rien. Nous l’avons trouvée comme ça, nous la laisserons comme ça. Moi aussi, quand j’avais ton âge, je faisais de beaux rêves, je croyais que tout allait me venir à foison. J’ai dû en rabattre depuis ! Il est si aisé de s’imaginer qu’on sera heureuse toute sa vie, qu’on voyagera tout le temps, que les jours seront une succession de divertissements, de bals, de cadeaux, de plaisirs. Toutes les jeunes filles en sont là. Il faut choisir cependant. Quand on ne peut pas avoir ce qu’on désire, le plus simple c’est de désirer ce qui est à sa portée. Le mariage n’est pas une fête. C’est une existence toute de devoirs, de dévouement et de sacrifices, avec quelques bonnes heures, de loin en loin. Mais il faut penser aux enfants. C’est pour eux qu’on se marie, afin de fonder une famille et de faire de ceux que le ciel vous envoie des êtres honnêtes et de bons chrétiens. Je regrette d’avoir à te dire tout cela. Tu es assez intelligente pour le comprendre toi-même. Laisse ton amour-propre de côté, oublie ton entêtement, dis-toi bien que ce jeune homme, s’il ne réalise