Au loin, on entendait les aras et les perroquets pousser des cris aigus et féroces.
— Eh bien, monsieur Louis ? fit Mme Maubernard, en prenant la rampe de l’escalier étroit et rude qui aboutit au plateau de Longchamp, comment trouvez-vous Cécile ?
— Bien belle, bien belle ! répondit le jeune homme, avec mélancolie.
— N’est-ce pas ?
— Elle est si belle que je regrette de l’avoir vue.
Mme Maubernard s’était arrêtée pour souffler un peu. Appuyée contre le mur, elle regardait les longs bassins étinceler sous le ciel gris, entre les branches affinées des arbres d’hiver.
— Pourquoi ? demanda-t-elle, avec vivacité.
Caillandre la débarrassait de son parapluie et de son réticule de velours vert, orné de pendeloques d’acier d’un goût très ancien.
— Parce que je suis déjà presque amoureux d’elle, et qu’elle ne voudra jamais m’épouser.
— Allons donc ! en voilà une idée !
— J’ai bien compris que je lui ai déplu, madame. Je sais que je ne suis pas beau. Et elle est si belle, elle !
Ils étaient arrivés sur le plateau. Un vent plus frais y soufflait et gémissait dans les branches toutes fourrées des cèdres majestueux et lugubres.
Le grondement des eaux, qui s’engouffraient dans les réservoirs, faisait un fracas marin, dans le silence mélancolique de cette après-midi pluvieuse. M. Caillandre marchait à petits pas pour permettre à Mme Maubernard de reprendre haleine. Et il tenait toujours à la main le parapluie de la vieille dame et son réticule aux ornements d’acier, qui y faisaient une étrange figure.
— Mon cher monsieur, dit enfin Mme Maubernard, en prenant le bras de son compagnon pour s’appuyer sur lui, je n’y vais pas par quatre chemins, je dis les choses comme elles sont. Vous verrez que vous épouserez Cécile. Dans notre société, vous savez, les jeunes filles ne font pas toujours leurs trente-six volontés. M. l’abbé et Mme Pioutte tiennent à ce mariage ; soyez tranquille ; il se fera.