l’air d’un barnum. Mme Pioutte jubilait. Et tout le monde, autour d’eux, les regardait, car ce qu’ils venaient faire, là, dans le plus grand secret, avec tout le mystère de ces sortes d’entrevues, était si visible sur leurs physionomies que nul ne pouvait s’y tromper.
Les soldats entonnèrent un morceau de musique italienne, une marche frénétique et bruyante, qui assourdit tous les auditeurs du fracas de ses cuivres.
— Un bien joli morceau, dit M. Caillandre, pour essayer d’engager une conversation particulière avec Cécile.
— Oui, monsieur, répondit-elle, avec ironie, un bien joli morceau… pour faire danser des chiens savants.
Louis ouvrit des yeux plus grands encore, s’il est possible, et Cécile eut peur qu’il les laissât tomber. Elle regretta intérieurement de ne pas avoir une assiette, un plat, une soucoupe, un récipient quelconque, pour les recueillir au passage, s’ils venaient à lui glisser le long des joues.
— Vous êtes bonne musicienne, mademoiselle ?
Elle ne prit pas la peine d’afficher les airs modestes des jeunes filles que l’on interroge ainsi. Elle répondit oui, avec calme. M. Caillandre parut plus étonné encore. Comme cette Cécile ressemblait peu aux autres ! Et il la regardait avec admiration.
Mme Pioutte leva la séance. Les chaises remuèrent et grincèrent sur le gravier. Quelques dames prêtèrent l’oreille pour tâcher de saisir un bout de conversation.
— J’espère, monsieur, dit Mme Pioutte, que nous n’en resterons pas là et que nous aurons l’occasion de nous revoir.
— Je l’espère aussi, madame, fit M. Caillandre.
Il tendit la main à Cécile, sans attendre qu’elle lui présentât la sienne. Elle la mit avec regret dans cette large patte comme si elle croyait que ce fût là un piège qui refermerait sur ses doigts des pinces de crabe et ne les rouvrirait plus.
M. Caillandre et Mme Maubernard descendirent vers le bassin où le phoque s’amuse à décevoir les badauds, en plongeant sous l’eau pour ne plus reparaître de longtemps.