Mme Pioutte lui jeta un regard incisif.
— Jamais ils ne donneront leur petit-fils à une femme qui ait moins de vingt mille francs !
L’abbé respira et s’écria aussitôt, en reprenant son ton de voix ardent et jovial :
— Vingt mille francs ! Mais cela se trouve, ce n’est pas la mer à boire !
— C’est assez, cependant, pour que Cécile soit obligée de renoncer à ce mariage auquel elle tenait tant, la pauvre petite ! Elle a beaucoup pleuré, quand elle l’a su, puis elle s’est résignée. Que faire ? Il faut accepter les tristesses de notre position ! Que la volonté de Dieu soit faite, et non la nôtre !
— Voyons, Gaudentie, s’écria l’abbé, en posant sa main droite sur le bras de sa sœur, tu as tort de ne pas avoir plus de confiance en moi. Sais-tu que je t’en veux presque de ton silence ? Comment n’as-tu pas pensé plus tôt que j’étais là, moi, que tu n’avais qu’à parler… Ta fille aura ses vingt mille francs ! Il ne sera pas dit qu’elle manquera un mariage si bien sous tous les rapports, pour une misérable somme d’argent, et quand son vieux bonhomme d’oncle est encore là…
Mme Pioutte se leva avec beaucoup d’agitation.
— Oh ! Théodore, comme je te reconnais là, comme je retrouve ton affection et ta bonté ! Que serions-nous devenus sans toi ? Mais, écoute, il faut une limite à tout. Tu as été pour mes enfants un véritable père, nous t’en aurons une éternelle reconnaissance, tu t’imposes pour nous de lourds sacrifices… Je ne peux pas encore accepter celui-là…
— Voyons, Gaudentie !
— Non, mon ami, non, s’écria Gaudentie, avec un nouvel élan de générosité, c’est trop ! Nous ne voulons pas que tu te mettes sur la paille pour nous. Tu es gêné. Ce n’est pas le moment de faire une telle brèche à ton budget. Déjà, tu n’as pu, le mois dernier, payer tes professeurs. Il ne faut pas agir ainsi. Je crois même que souvent nous abusons de ta charité. Cette note de modiste, l’autre jour, t’a causé bien du tracas. J’ai grondé mes filles. Mais, tu sais, elles se laissent aller facilement aux