— Je n’ai rien, je n’ai rien, fit Mme Pioutte, qui parut suffoquer, ne m’interroge pas. Je ne peux rien te dire encore.
Elle s’évada, en laissant son pauvre frère se tourmenter l’esprit et cuver mélancoliquement les doutes et les inquiétudes qu’elle lui avait habilement semés dans l’esprit. Théodore ne comprenait rien à tout cela. Il supposait que ces soucis n’étaient pas étrangers au mariage de sa chère nièce, et, dans son trouble, il ne savait que prier et invoquer saint Antoine de Padoue, saint Jude, saint Expédit et d’autres saints d’une invention plus récente encore.
Trois fois, il demanda à sa sœur des explications, et, trois fois, elle lui répondit :
— Je ne veux rien te dire encore. Je ne veux pas que tu traverses les angoisses par où je passe. Si, comme je le crains, rien ne s’arrange, je serai toujours à temps de t’en aviser…
Elle savait bien, la rusée mâtine ! que les angoisses de l’abbé étaient d’autant plus pénibles à supporter qu’il en ignorait la cause exacte et leur importance.
Enfin, un jour que Théodore Barbaroux alignait péniblement des colonnes de chiffres, dans l’Économat, sa sœur se présenta à lui, dans le plus triste appareil, gémissante, courbée et toute prête, semblait-il, à porter quelqu’un en terre. Elle s’écroula sur une chaise et agita son mouchoir comme si elle souhaitait un dernier adieu à un navire imaginaire, qui emportait loin d’elle sa joie et son espoir.
— Notre pauvre Cécile ! s’écria-t-elle, d’une voix mourante et tout en s’efforçant de refouler dignement ses larmes.
L’abbé, tout ému, se leva :
— Mon Dieu, Gaudentie, qu’y a-t-il ? Dis-le-moi vite… C’était donc à cause de ça que tu étais si inquiète, ces jours-ci ? Je m’en doutais un peu… C’est le mariage de Cécile…
Mme Pioutte fit oui, de la tête, sans pouvoir répondre.
— Il est rompu ? demanda l’abbé, désespéré.
— Il est impossible ! dit Gaudentie avec tant de pathé-