larmes. Et le digne M. Augulanty, sombre, contracté, tragique, de la sueur au front, disparaissait au premier tournant.
Maintenant la nuit était venue, et elle prenait une solennité douloureuse et pitoyable en pénétrant dans la chambre de l’abbé Théodore. On eût dit qu’elle entrait sur la pointe du pied pour ne point troubler son sommeil, et, par pudeur, elle dissimulait d’un lourd voile la nudité des murs, l’absence de meubles, la lamentable misère de cette pièce où s’achevait l’existence du vieux prêtre. Elle la tendait de son plus riche velours, mais les courtines dont elle enveloppait son lit étaient déjà mortuaires.
Jusqu’au soir, Mathenot et Rosita s’étaient remplacés au chevet du malade. Cécile n’avait pas reparu. Mme Pioutte entrait le plus rarement possible. Elle craignait toujours que l’abbé revînt à lui, et qu’en la voyant à son côté il ne retrouvât sa mémoire et ces choses cruelles et fortes qui l’avaient fait trembler le matin. Et elle n’osait pas trop regarder ce visage blême, pincé, ces orbites caves, cette bouche tordue, entr’ouverte et retombante comme une peau décollée de sa chair, toute cette défroque d’humanité, qui était, en partie, son œuvre.
Le soir, l’abbé Tacussel envoya son sacristain, M. Ropion, dont c’était le métier nocturne de veiller le sommeil des malades. Ce bel homme, solennel et d’une urbanité excessive, n’était bon à rien, mais il s’acquittait de cette inutilité délicate avec une majesté tranquille et douce et un grand sens de ses obligations.
Il resta seul avec l’agonisant. Un rond de lumière, au-dessus de la veilleuse, vibrait au plafond. Le silence de la nuit s’étendait immensément. La respiration de M. Barbaroux était essoufflée et courte. M. Ropion tournait une cuiller dans une tasse et buvait avec sérénité. Puis il s’endormit.
Quelles douloureuses, quelles harcelantes pensées vinrent toucher d’un doigt mortel la cervelle épuisée du prêtre ? Cherchait-il cette famille qu’il avait crue si