Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je vais voir le malade avant de me prononcer, déclara-t-il.

Il déclara, en revenant, qu’il trouvait le vieux prêtre beaucoup mieux. Il avait pu prononcer quelques mots.

— Il n’est pas nécessaire de lui porter l’extrême-onction, ce soir, acheva-t-il. Ce serait pour lui une grande fatigue, une tension d’esprit dangereuse. Laissons-le reposer. Il ira toujours jusqu’à demain.

— Il n’y a pas de crainte… d’issue fatale d’ici à demain ? interrogea Gaudentie, vous en êtes sûr, docteur ?

— Absolument, madame, fit Barnier, d’un ton peiné, en hochant tristement la tête, comme si c’était pour lui un crève-cœur véritable et une déception personnelle de voir le malade aller jusqu’au lendemain.

— À demain donc, dit l’abbé Tacussel.

Il descendit l’escalier très vite, suivi du docteur Barnier, qui s’essoufflait derrière lui pour le rattraper.

Il était quatre heures et demie. À la porte, ils trouvèrent M. Bermès, qui s’en allait, sa classe finie, l’esprit, comme à son habitude, libre, gai et dispos. Il les arrêta pour leur demander des nouvelles du directeur. Ils sortirent après avoir causé quelques minutes. M. Bermès resta dans le corridor afin d’allumer un cigare. Un coup de vent éteignit l’allumette. La porte, poussée par une main énergique, venait de s’ouvrir brusquement. Une grande fille brune, très belle, l’œil noir et provocant, entra.

— Pardon, monsieur, dit-elle, en s’arrêtant devant M. Bermès, êtes-vous de la maison ?

— Mais comment l’entendez-vous, mademoiselle ? s’écria-t-il avec la politesse galante qu’il arborait, aussitôt qu’il se trouvait devant une jolie femme. Il est certain, par exemple, que j’y viens tous les jours.

— Alors vous pourrez peut-être me renseigner, répondit-elle, avec un petit air très décidé.

— J’ai vu cette tête-là, se disait Bermès en réfléchissant, mais où ça ?

— C’est bien ici que demeure une certaine Virginie Pioutte ?

— Certainement, mademoiselle, fit Bermès, en se rapprochant.